L'harmonie selon Bastiat

Bastiat est un éternel optimiste. Il croit dans l'harmonie des intérêts. Serait-ce un naïf, voire même un utopiste ?
L'objection a souvent été faite, elle n'est pas nouvelle. Voyons ce que vaut cette objection.
Il y a deux sortes d'harmonies selon Bastiat :
  •  celle qui est imposée d'en haut par des législateurs omniscients : c'est l'harmonie construite
  •  celle qui résulte de l'action volontaire des hommes sur un marché libre : c'est l'harmonie naturelle

La première relève de l'ingénierie sociale, de l'organisation scientifique de la société, de la planification comme le dira plus tard Hayek. Elle repose sur un postulat épistémologique : la capacité par l'esprit humain d'une maîtrise rationnelle de l'ensemble des données économiques et sociales.
La seconde relève de l'humilité et de la conscience de nos limites. Elle suppose que la raison n'est pas en mesure de tout connaître et de tout contrôler. Elle suppose qu'un ordre auto-organisé peut surgir de la libre coopération des hommes dans le cadre de certaines règles de droit (en particulier le droit de propriété).
On le voit, l'optimisme de Bastiat est conditionnel. Il est conditionné par la conscience des limites de la connaissance humaine et par la vertu de prudence. L'utopie véritable, c'est l'utopie d'une société parfaite, rationnellement dirigée et organisée par des bureaucrates. Lisons Bastiat :


Supposons qu'un professeur de chimie vienne dire : « Le monde est menacé d'une grande catastrophe; Dieu n'a pas bien pris ses précautions. J'ai analysé l'air qui s'échappe des poumons humains, et j'ai reconnu qu'il n'était plus propre à la respiration; en sorte qu'en calculant le volume de l'atmosphère, je puis prédire le jour où il sera vicié tout entier, et où l'humanité périra par la phtisie, à moins qu'elle n'adopte un mode de respiration artificielle de mon invention. »
Un autre professeur se présente et dit : « Non, l'humanité ne périra pas ainsi. Il est vrai que l'air qui a servi à la vie animale est vicié pour cette fin; mais il est propre à la vie végétale, et celui qu'exhalent les végétaux est favorable à la respiration de l'homme. Une étude incomplète avait induit à penser que Dieu s'était trompé; une recherche plus exacte montre qu'il a mis l'harmonie dans ses œuvres. Les hommes peuvent continuer à respirer comme la nature l'a voulu. »
Que dirait-on si le premier professeur accablait le second d'injures, en disant: « Vous êtes un chimiste au cœur dur, sec et froid; vous prêchez l'horrible laissez-faire; vous n'aimez pas l'humanité, puisque vous démontrez l'inutilité de mon appareil respiratoire? »
Voilà toute notre querelle avec les socialistes. Les uns et les autres nous voulons l'harmonie. Ils la cherchent dans les combinaisons innombrables qu'ils veulent que la loi impose aux hommes ; nous la trouvons dans la nature des hommes et des choses.
Extrait de l'édition originale en 7 volumes (1863) des œuvres complètes de Frédéric Bastiat, tome IV, pp. 298-326.


Biographie de Bastiat sur le site de l'Institut Coppet :

Et sur Dailymotion :


Ici, quelques lectures de Bastiat :


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