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La banalité du mal

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Réfugiée aux Etats-Unis pendant la guerre, et donc protégée physiquement, Hannah Arendt eut toutes les audaces intellectuelles, au point d'exaspérer maintes fois la communauté juive. Vivante alors qu'elle pensait devoir être morte, elle stigmatisera l'inaction des Juifs face au génocide, jusqu'à les rendre pour ainsi dire coupables du malheur advenu. Cette morale de combat, qui incluait le refus de toute «victimisation», est omniprésente chez elle. C'est en journaliste que Hannah Arendt assistera en 1961 à Jérusalem, quinze ans après Nuremberg, au procès-spectacle d'Adolf Eichmann, l'ingénieur de la déportation. Ne voyant en lui ni un monstre ni un démon, mais un homme ordinaire, un fonctionnaire inapte à réfléchir à ses actes mais voué à appliquer scrupuleusement les consignes, elle récusera l'idée de mal radical pour conclure à la banalité du mal. Elle pensait que les organisateurs de génocides n'étaient pas pires que d'autres avant eux, mais

2007 - In memoriam Jean-Pierre Vernant

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La mort d’un grand helléniste le 9 janvier 2007. D'abord philosophe (agrégé et docteur en philosophie), Jean-Pierre Vernant s'est ensuite fait historien, linguiste et anthropologue pour analyser les mythes, dans une approche pluridisciplinaire. Compagnon de la Libération et membre du Parti Communiste, il avait choisi la Grèce antique notamment pour que le PC ne s'occupe pas de son travail intellectuel. Il a enseigné, de 1958 à 1975, à l'Ecole pratique des hautes études, il a été élu en 1975 titulaire de la chaire d'étude comparée des religions antiques au Collège de France. Malgré un ancrage politique très à gauche, Jean-Pierre Vernant a su travailler à faire revivre l'héritage grec, ce qui n’est pas banal. En effet, la culture générale (dont fait partie l’enseignement du grec) a souvent été perçue à gauche, notamment avec Bourdieu, comme un instrument de domination des bourgeois, comme un moyen de reproduction sociale des élites. « Le lycée a pour fonction de t

Pourquoi j'enseigne. Voeux à mes élèves.

Je n’enseigne que parce que j’aime être enseigné. Quand j’essaie de me remémorer ma propre orientation, en classe de terminale (1987, date de mon bac), j’ai le souvenir de mes lectures. Elles ont illuminé mon adolescence, elles m’on fait entrevoir un monde nouveau, celui des vrais penseurs de tout temps, ces héros de la pensée, ces pourfendeurs de la bêtise et de la médiocrité. Ces lectures ont décidé de ma vie et elles ne m’ont jamais déçu. 20 ans après, je peux dire que la frustration de n’être « qu’un prof mal payé » dans un système social qui ne reconnaît pas les vertus fondamentales de l’éducation, n’est rien à côté de la passion de transmettre et de passer le plus clair de son temps en compagnie des plus grands esprits du monde occidental. « La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensée

Europe : la tentation de l'ataraxie

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L'écrivain et philosophe Pascal Bruckner s'exprimait récemment dans Le Figaro (9 juillet 2005) sur la nature véritable du terrrorisme : "Pour les néotiers-mondistes, le terrorisme est une arme des pauvres – une riposte de «damnés de la terre». Pour d'autres, qui le médicalisent, c'est une pathologie pure. L'une et l'autre de ces grilles interprétatives ont un inconvénient majeur : celui de confondre la cause et le prétexte du terrorisme. Sans doute la guerre en Irak ou en Afghanistan, l'existence du conflit israélo-palestinien ou le procès de tel ou tel chef djihadiste en Angleterre peuvent-ils fournir, tour à tour, un prétexte commode à des actes terroristes. Mais la cause ultime de tels actes, ce n'est jamais que la haine viscérale qu'un certain nombre de petits groupes ultrafanatisés, tributaires d'une interprétation extrêmement restrictive du Coran, vouent au principe même d'une société ouverte et à toute esquisse de libéralisation d