La prophétie d'Ayn Rand
Les Echos, 20/12/2011
Tous les candidats à l'élection présidentielle, déclarés ou non, sont unanimes : il faut sauver et préserver notre « modèle social », nous protéger contre la mondialisation, renforcer les réglementations, moraliser le capitalisme et taxer davantage les « plus riches » pour préserver la « justice sociale ».
A force de marteler ces « évidences », la pensée « mainstream » s'enkyste et condamne toute pensée différente. Et tout sauvetage réel du pays.
La crise maximale que nous connaissons, dans une grande majorité des démocraties occidentales et plus encore en France, est bien celle d'un mode de pensée : l'échec et l'effondrement non pas du libéralisme, mais de la social-démocratie, qui domine le monde dit « développé » depuis plus de cinquante ans. La crise des dettes souveraines et l'échec aussi vertigineux qu'annoncé des derniers plans de relance en fournissent une preuve irréfutable.
Pourtant, fondés sur un diagnostic biaisé, les propositions constructivistes, les réflexes protectionnistes, les ambitions de régulation planétaire et les innovations fiscales confiscatoires pleuvent. Même François Bayrou, supposé incarner une alternative au discours dominant, nous propose... le grand retour du Commissariat général au plan !
Les chiffres parlent pourtant d'eux-mêmes : le secteur public domine et a asséché la sphère privée, qui représente à peine plus de 40 % du PIB ; nous avons 500.000 fonctionnaires de plus qu'en Allemagne, qui a pourtant 15 millions d'habitants en plus et des services publics des plus performants ; l'heure de travail est 5 euros plus chère en France qu'en Allemagne et notre pression fiscale et réglementaire, comme notre dette, atteignent des sommets. Notre pays ne meurt pas de « pas assez d'Etat », mais de « trop d'Etat », et d'un secteur privé exsangue, assassiné sur l'autel de la « justice sociale », au point d'être désormais incapable de payer la facture d'un monde où, le modèle échouant, la pauvreté progresse et le découragement triomphe.
Nous vivons, sans le savoir, la prophétie d'Ayn Rand. Un documentaire américain révèle, exemples à l'appui, combien la romancière-philosophe, farouche anticollectiviste et championne de l'objectivisme, avait anticipé, dès les années 1950 et avec une lucidité époustouflante, les méfaits de la montée en puissance de l'interventionnisme larvé et de la collusion pernicieuse entre certains dirigeants d'entreprise et de gouvernement cherchant, au mépris de la morale et de la liberté individuelle, à asseoir, bons sentiments à l'appui, leur pouvoir, à accroître leurs privilèges et à écraser leurs concurrents.
« Atlas Shrugged », son immense roman prophétique, dont plus de 10 millions d'exemplaires ont été vendus et qui a été lu par plus de 30 millions d'Américains (on lui prête une influence déterminante dans l'élection de Ronald Reagan à la Maison-Blanche) vient, nous l'avons déjà mentionné, d'être traduit et publié en français (« La Grève », Ayn Rand, Les Belles Lettres, 2011. On lira aussi, avec délectation, l'excellente biographie « Ayn Rand ou la passion de l'égoïsme rationnel », par Alain Laurent, chez le même éditeur). Tout le monde devrait lire cette fantastique dénonciation de la tyrannie démocratique et cette ode vibrante à l'entreprenariat.
Ce roman, véritable grand cru littéraire, remarquablement construit, bouscule les idées reçues, pulvérise le conservatisme droite-gauche et donne, y compris dans l'hypothèse de rébellion des producteurs et des innovateurs, du souffle et de l'espoir pour demain.
Le moment est sans doute venu d'aller jusqu'au bout de la prophétie randienne : les entrepreneurs, les professions libérales, les inventeurs doivent s'unir et dénoncer le monopole des professionnels de l'égalitarisme et l'immoralité de l'irresponsabilité publique. Sans eux, rien n'est possible.
Mathieu
Laine
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Cordialement
Thierry Guinhut