Le philosophe et la belle brune

Quels points communs y a-t-il entre lui et elle :























Vous avez deviné ? Ils ne portent pas seulement le même nom, lui est aussi génial dans ses livres qu'elle est belle sur les écrans de cinéma.
  • Friedrich August von Hayek a reçu le prix Nobel de Sciences Economiques en 1974, au moment où paraissait le premier tome de sa trilogie Droit, Législation et Liberté.
  • Salma Hayek, 40 ans, a décroché en 2003 sa première nomination à l'Oscar de la Meilleure actrice pour son interprétation de "Frida", la biographie de la peintre Frida Kahlo.
  • Lui est auteur de 142 articles, 18 livres et 15 pamphlets traitant de sujets aussi divers que la théorie économique, la psychologie physiologique, la philosophie du droit, l'anthropologie culturelle et l'histoire des idées.
  • Elle a joué dans une trentaine de films et de feuilletons tels que Desperado, Une Nuit en Enfer, Dogma, Wild Wild West ou Bandidas.
  • Né en 1899 à Vienne, en Autriche, il devient professeur à l'Université de Chicago en 1950 après plusieurs années passées à Londres.
  • Née en 1968 à Coatzacoalcos, au Mexique, elle étudie les relations internationales et l'art dramatique avant de s'installer à Los Angeles en 1988.
Mais la comparaison s'arrête là et non, Friedrich Hayek n'est pas le grand-père de Salma ! (contrairement à ce que j'ai pu faire croire à certains de mes élèves en blaguant...) Par contre, j'ai la chance d'habiter pas loin de la propriété du fiancé de Salma Hayek, en forêt de Rambouillet, et je compte bien la croiser le matin en allant acheter mes baguettes !! (Il s'agit de François-Henri Pinault, PDG du groupe Pinault Printemps Redoute, et le couple attend un enfant.)

Trêve de peopoleries, revenons aux choses sérieuses, car la plastique admirable de l'actrice ne doit pas nous faire oublier l'oeuvre du génial autrichien. Qui est Hayek, ou plutôt en quoi consiste sa philosophie ?

Son oeuvre a débuté avec la critique de l’interventionnisme keynésien, dans les années 30. Mais c'est en 1943, avec la publication de La Route de la Servitude, que son nom commence à être connu. Dans ce livre, il s'adresse "à tous les socialistes" et analyse les erreurs intellectuelles de la planification et du collectivisme.

Pierre Bilger (texte à télécharger ici) résume très bien la thèse de Hayek :


"Il a d’abord démontré la nécessaire défaillance technique de la direction étatique de l’économie en raison de l’extraordinaire complexité des évolutions et relations économiques dans une économie quelque peu évoluée. Même dotée des ordinateurs les plus puissants, la planification est hors d’état de connaître l’ensemble des données psychologiques et techniques extrêmement variées intervenant dans la production, la distribution et la consommation et plus l’économie est développée plus elle est incapable d’assurer la rationalité à laquelle elle prétend. Si elle tente néanmoins d’imposer ses vues, elle ne peut y parvenir qu’en établissant un régime totalitaire et c’est inévitablement alors la route de la servitude politique et tôt ou tard aussi du chaos économique et social."

Approfondissant les sous-bassements philosophiques de cette utopie, Hayek est conduit à la critique de ce qu'il appelera le "rationalisme constructiviste".

Pierre Bilger poursuit :


" Autant celui-ci lui paraît parfaitement applicable au domaine de la nature, autant il considère comme une erreur intellectuelle fondamentale de vouloir le transposer au domaine de la société. Si les savants et les ingénieurs sont capables de transformer la nature pour le bien de l’humanité, les intellectuels et les dirigeants politiques sont hors d’état de réunir la somme des connaissances, des informations et des prévisions qui permettraient d’établir un ordre social satisfaisant. Aucun cerveau humain, écrit-il, ne peut concevoir toute la complexité sociale. Aucune organisation sociale artificielle, construite par les hommes selon des plans prédéterminés, n’est capable de se substituer à l’ordre social spontané, fruit de l’action collective de l’humanité au cours de son histoire sans être pour autant le résultat d’un projet humain précis. La présomption rationaliste en matière sociale remonte, selon Hayek, à Hobbes et à Rousseau et peut-être même déjà à Descartes et trouve naturellement son point culminant dans le scientisme social de Marx et de ses innombrables disciples."

Le constructivisme est bien le fils de DESCARTES. C’est la prétention très moderne de l’être humain à tout vouloir soumettre à sa raison, en se passant de toute tradition. C’est la croyance que l’on peut tout connaître, tout maîtriser en partant de soi.

Citations de Hayek :

Seul le système capitaliste permet la démocratie. Lorsque le régime est dominé par une doctrine collectiviste, la démocratie finit inévitablement par se détruire elle-même. Le planisme mène à la dictature parce que la dictature est l'instrument le plus efficace de coercition et de réalisation forcée d'un idéal et qu'à ce titre elle est indispensable à une société planifiée. Le conflit entre planisme et démocratie surgit simplement du fait que cette dernière est un obstacle à la suppression de la liberté requise par la direction de l'activité économique. Mais dans la mesure où la démocratie cesse d'être une garantie de la liberté individuelle, il se peut qu'elle persiste sous une forme quelconque sous un régime totalitaire. Une véritable "dictature du prolétariat", même démocratique de forme, au jour où elle entreprendrait la direction centralisée de l'économie, détruirait probablement la liberté individuelle aussi complètement que le ferait n'importe quelle autocratie.
La seule justice sociale est celle du respect des règles de juste conduite et de liberté des individus et non celle du résultat en matière de revenu. (La Route de la Servitude)

"La concurrence n'est pas seulement la seule méthode que nous connaissions pour profiter des connaissances et des talents que peuvent avoir les autres, mais elle est aussi la méthode par laquelle nous avons été amenés à acquérir les connaissances et les talents que nous-mêmes possédons. C'est là ce que ne comprennent pas les gens qui disent que le plaidoyer pour la concurrence repose sur une hypothèse du comportement rationnel de ceux qui y participent. Or le comportement rationnel n'est pas une prémisse de la théorie économique, bien qu'on présente souvent la chose ainsi. La thèse fondamentale de la théorie est au contraire que la concurrence est ce qui oblige les gens à agir rationnellement pour pouvoir subsister."

"Il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude." (tome 3 de Droit, législation et liberté : L'ordre Politique d'un Peuple Libre, paru en 1979)

"Quels sont, alors, les caractères essentiels du vrai individualisme? La première chose qui doit être dite est qu'il s'agit d'abord d'une théorie sociale: un essai pour comprendre les forces qui déterminent la vie sociale de l'homme, et ensuite seulement un ensemble de principes politiques déduits de cette vision de la société. Ce fait devrait en lui-même suffire à refuser le plus sot des malentendus qui courent à ce sujet: l'idée suivant laquelle l'individualisme postulerait (ou fonderait ses arguments sur cette hypothèse) l'existence d'individus isolés ou autosuffisants, au lieu de partir de l'étude de gens dont la nature et le caractère sont déterminés par le fait qu'ils existent en société. Si cela était vrai, l'individualisme n'aurait vraiment rien à apporter à notre compréhension de la société. [...] L'étape suivante de l'analyse sociale de l'individualisme est dirigée, elle, contre un pseudo-individualisme rationaliste qui ne conduit pas moins au collectivisme dans la pratique. Elle consiste à affirmer que nous pouvons découvrir, en examinant les effets combinés des actions individuelles, que bien des institutions sur lesquelles repose le progrès humain sont apparues et fonctionnent sans qu'aucun esprit ne les ait connues ni ne les contrôle. Que, suivant l'expression d'Adam Ferguson, « Les nations se retrouvent face à des institutions qui sont bel et bien le résultat de l'action des hommes, sans être celui d'un projet humain » et que la collaboration spontanée des hommes libres engendre souvent des résultats qui dépassent ce que leur cervelle d'individus pourra jamais entièrement saisir." (Vrai et faux individualisme)

« L’on pourrait sans difficulté soutenir que la religion qui a favorisé l’esprit du capitalisme a été celle des Jésuites, et non celle des Calvinistes ». (Aspects on the Rise of Economic Individualism)
Commentateurs :

Le livre de Philippe Nemo, La société de Droit selon Hayek, est une synthèse complète, bien construite, claire et sans tabou, de l'oeuvre de Hayek. On pourra compléter cette lecture par celle de Jean-Pierre Dupuy : Libéralisme et justice sociale (Hachette litt., coll. Pluriel, 1992) Enfin, L'Histoire des idées politiques aux temps modernes, tome 2 du même P. Nemo, consacre tout un chapitre à l'auteur en le resituant dans le voisinage de son ami Karl Popper.












Commentaires

Anonyme a dit…
bobonne aimerait que tu louches moins sur la plastique de Salma
Bisous

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