Stop à l'arnaque du bac


De retour de vacances, je ne résiste pas au plaisir d'évoquer ici la parution du pamphlet de Jean-Robert Pitte, président de Paris IV Sorbonne (ma chère université) : Stop à l'arnaque du bac.
Ce sorbonnard incorrect explique que beaucoup de bacheliers qui entrent à l'université sont incapables de s'exprimer correctement et de manier une idée théorique. Le taux d'échec en première année est de l'ordre de 70 % à Paris-IV. Pour J.-R. Pitte l'imposture du bac consiste à faire croire que le niveau monte puisque le taux de réussite augmente chaque année (83,3 % cette année).
Selon lui, on confond démocratisation et massification de l'enseignement, on donne le bac à de plus en plus de jeunes en augmentant artificiellement les notes, sans que cela corresponde à un véritable socle de connaissances.
Devant la faillite du système et la nullité du diplôme, il réclame tout simplement la suppression du bac et son remplacement par un contrôle continu.
Quelles solutions d'avenir propose-t-il ? Les solutions commencent à l'école maternelle : il faut retrouver un souci d'exigence, la dictée quotidienne, la rédaction hebdomadaire, l'obligation de lire et d'apprendre par coeur certains grands textes à l'école primaire. Bref transmettre un socle commun de connaissances fondamentales au lieu d'initier les enfants à Google et à Greenpeace...

  • Hier il débattait sur France Inter avec un syndicaliste du SNES. Ecouter ici (clic droit pour télécharger)
  • Lire aussi cet entretien dans l'Express :

«Le bac ne vaut strictement rien» par Laurence Debril L'Express du 30/08/2007


Votre livre s'appelle Stop à l'arnaque du bac, mais il aurait pu se nommer «Un homme en colère»: tout le monde en prend pour son grade, les syndicats, les parents, les ministres, la presse...


Ces convictions sont les miennes depuis très longtemps. Face au blocage complet du système éducatif français et aux inepties que j'ai entendues au moment du CPE, j'ai décidé de m'exprimer. Il faut expliquer que le bac (qui coûte 200 millions d'euros chaque année...) ne vaut strictement rien et est l'aboutissement d'un système périmé et laxiste. Rappeler que l'on trouve dans certaines copies des phrases telles que «La Suisse est une fée des nations» ou «On voit qu'un pays est riche ou pauvre à son BNP». Dire que l'université est la voiture-balai de l'enseignement supérieur, les autres formations sélectives faisant leur marché auprès des meilleurs élèves.


Vous évoquez les inspecteurs qui incitent à gonfler les notes. Pourquoi un tel acharnement à donner le bac?


Parce que c'est le souhait de la société: personne ne veut affronter l'échec. Quand j'entends le ministre de l'Education se réjouir du taux de réussite global au bac 2007 de 83,3% d'admis, soit 1,4 point de plus qu'en 2006, j'avoue ne pas comprendre. Certains affirment que se focaliser sur les points-virgules et le passé simple est dépassé. La maîtrise de la langue est au contraire un des moyens, assez juste, de recrutement des jeunes par l'entreprise. Si un élève n'est pas au niveau, il faut le lui dire, pas le bercer dans l'illusion égalitaire, car l'écrémage interviendra plus tard.


Vous pensez qu'il faut une sélection à l'entrée à l'université?


Bien sûr. L'échec de la tentative de réforme menée par Devaquet, en 1986, a tout bloqué depuis et rendu tabous deux points essentiels: la sélection et le financement. Nous avons à la Sorbonne un taux de réussite en première année de 28% seulement! J'évoque le cas d'une bachelière d'un bac technologique qui s'est inscrite en philosophie - matière qu'elle n'avait jamais suivie au lycée - car elle voulait «avoir de la conversation». C'est touchant, poignant et pathétique. J'estime que 50% des étudiants n'ont pas leur place ici. Mais ils l'ont sans doute ailleurs: nous devrions, comme aux Etats-Unis, promouvoir beaucoup plus les formations courtes, professionnalisantes, efficaces. Je vais proposer la création d'un IUT tertiaire à Paris-Sorbonne, pour montrer que l'une des universités qui a la meilleure réputation en France se préoccupe aussi de ces étudiants qu'elle estime ne pas être au niveau pour une licence.


Vous écrivez «Toute la société a basculé vers un égalitarisme auquel je suis totalement allergique». Vous ne craignez pas qu'on vous traite de réac?


Cela ne me gêne pas, si cela veut dire «qui réagit»: je suis contre le laisser-aller actuel, tant pis si ça fait vieux schnock! Il faut poser des barrières. Il manque à l'Education nationale une Françoise Dolto, porteuse d'un discours à la fois de générosité et d'exigence. Evidemment, cette dernière ne s'apprend pas à l'université, mais dès la maternelle, et, avant cela, à la maison. C'est donc l'ensemble de la société qui doit porter cette idée. L'enfant roi aux caprices duquel on cède toujours, qu'on laisse pousser sans terreau, coûte finalement très cher au système.


Vous-même venez d'un milieu modeste. Une telle ascension est-elle encore possible aujourd'hui?


Je l'espère. Quand les parents sont déficients, faute d'argent ou de bagage intellectuel, c'est à l'école de faire le boulot. Pour cela, elle doit être irréprochable.


Pour finir, il faut lire aussi cet article de Jacques Marseille :
Education : la tragédie nationale
L’école de la République est devenue une fiction dont le symbole est le baccalauréat. Le corporatisme enseignant et la lâcheté des politiques ont eu raison du modèle scolaire français, qui est aujourd’hui moins efficace, plus inégalitaire et plus coûteux que celui de nombre de pays d’Europe. Enquête sur un désastre national.

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