Obama et le rêve américain

"Il existe deux bouts par lesquels on peut diminuer l'État : en réduisant ses moyens (les impôts) ou en réduisant ses activités".
Grover Norquist, patron de American for Tax Reform


Faut-il le dire ? Comme simple observateur de la politique américaine, je me réjouis de la candidature d'Obama. Non seulement parce que le personnage est sympathique mais surtout parce qu'il incarne une profonde évolution des moeurs aux Etats-Unis. Pour autant, je ne souhaite pas qu'il devienne le prochain président américain, tout simplement parce que je ne partage pas ses idées.

La fin du problème noir
Obama est un symbole. Comme le souligne André Kaspi (voir la vidéo ci-dessous) cette candidature est d'abord un signe parmi d'autres que le problème noir appartient définitivement au passé. Bien sûr, il reste toujours quelques dérangés pour tenter de réveiller le KKK et lancer des appels au meurtre. Mais globalement les noirs aux Etats-Unis ont réussi leur intégration et plus personne ne le conteste. Le fait qu'Obama se présente comme le candidat de tous les américains et non comme le candidat des noirs en est une preuve. Comment expliquer cette évolution ?

La réussite du modèle économique US.
Pour ma part, je suis convaincu que le modèle économique américain permet de comprendre cette évolution impressionnante et la discrimination positive n'y est pour rien du tout. Depuis les années 80, avec Reagan et Milton Friedman, le pays a connu un taux de croissance de plus de 4% par an. La plupart des noirs ont pu profiter de cette conjoncture pour trouver des emplois, s'enrichir et accéder massivement au rêve américain. La pauvreté a tout simplement disparu parmi les familles de souche américaine. Tout le monde ne roule pas sur l'or, loin de là. Mais tout le monde ou presque possède sa maison climatisée, sa voiture (4x4) et son emploi.
Et si 40% des américains n'ont pas d'assurance maladie, c'est parce qu'ils le veulent bien. Cotiser à l'assurance maladie n'est pas obligatoire aux USA et nombre de jeunes américains préfèrent épargner pour leur retraite plutôt que d'enrichir les caisses d'assurance.
Certes, chaque année, 1 millions d'immigrants sans ressource s'implantent sur le sol américain, principalement en provenance d'Amérique du Sud. D'où des chiffres qui peuvent laisser penser que la misère progresse. Mais ces immigrants parviennent très rapidement, en une année ou deux, à trouver des emplois stables et à intégrer, à terme, la classe moyenne.

Une économie de l'innovation
Ce phénomène est dû au fait que le modèle économique américain est fondé sur l'innovation, donc sur l'éducation. Les américains misent tout sur la recherche et la compétition entre les universités. En effet, le secteur de la recherche fonctionne sur le modèle du marché. Les universités et les fondations se disputent la collecte de fonds, le recrutement des professeurs et rivalisent en termes de dépôts de brevets ou de prix Nobel. Il est très significatif de constater que les grands leaders de la nouvelle économie, Microsoft, Macintosh, Yahoo, Google, Starbucks, sont nés sur les campus. Par ailleurs, comme le dit Guy Sorman, "les Etats-Unis sont un cimetière d'entreprises disparues ou en voie de disparition". Les activités anciennes, non rentables, sont immédiatement remplacées par de nouvelles, plus performantes, offrant plus d'emplois et de meilleurs salaires. Cela ne rend pas l'expérience moins pénible pour ceux qui sont victimes des ces destructions, mais c'est un processus dont le résultat est à terme positif.
En France, l'Etat détient le monopole de l'éducation et contrôle une grande part de la recherche. En France, on continue à subventionner des activités industrielles condamnées, au nom de la protection de l'emploi. Et ce protectionnisme qui empêche la destruction-création a pour effet de ralentir la croissance et d'augmenter la pauvreté.

Obama et l'Etat-Providence
Pour finir, venons-en au programme économique et politique du candidat Obama. Matthieu Laine, maître de conférence à Sciences Politiques, dans le Figaro du 13 août, en donne les grandes lignes :

"Obama séduit par ses promesses de redistribution d'un argent public inexistant. Il défend l'un des programmes de dépenses publiques les plus coûteux que les États-Unis aient eu à connaître. Il entend relancer les investissements publics dans les infrastructures et les énergies alternatives et renouvelables. Mettant parfois la barre très à gauche, il promet également une augmentation significative du salaire minimum. Ses propositions en termes de contrôle des secteurs bancaire, immobilier, financier et énergétique vont bien au-delà de celles soutenues par le candidat Clinton en 1992."

Ce pari économique d'un autre âge pourrait assombrir durablement l'avenir des Etats-Unis, renvoyant une partie de la population vers une nouvelle forme d'esclavage : l'aide sociale ou l'assistanat bureaucratique.
Veut-on rendre un peuple esclave ? Pour cela épargnons-lui la peine de mettre en oeuvre ses forces intérieures dans le travail, dans la création d'entreprises, dans la responsabilité parentale. Epargnons-lui, en somme, la peine de se prendre en charge, donnons-lui gratuitement ce dont il a besoin : logement ou allocations. La gauche entend amener le paradis sur terre en prenant l'argent ici et en le redonnant là. On a vu ce que ça donnait avec les ghettos noirs des années 70 et dans les réserves indiennes. On a vu ce que ça donnait dans les pays de l'Est et dans nos banlieues françaises. En réalité, plus l'État s'insinue dans la vie des gens, plus les mécanismes sociaux naturels se grippent et plus la souffrance des hommes est grave.

Bill Bennett, ancien secrétaire à l'éducation sous Ronald Reagan, remarquait :
"Notre premier devoir est de reconnaître que nous avons mis trop d'espoir dans le politique pour guérir les afflictions morales et que le politique est un pauvre substitut par rapport aux soutiens naturels de l'homme (la famille, les amis, les associations et les églises). S'en remettre avant tout à la politique pour résoudre les afflictions morales, culturelles et spirituelles d'un peuple est simplement stupide ."

Et Matthieu Laine de poursuivre : "McCain, lui, demeure le candidat de la réduction d'impôts, de la limitation drastique des dépenses publiques, du minimal government et du free trade. Fidèle, pour le coup, au credo libéral qui a fait le succès du pays, il n'hésite d'ailleurs pas à affirmer : «L'État, c'est le problème, pas la solution.» Pour la couverture sociale, il dénonce les systèmes publics de type providentiel et propose le développement de comptes individuels, privés et concurrentiels d'assurance-santé associés à des crédits d'impôts."

Je ne suis pas très fan de McCain, je lui préférais Ron Paul. Mais je ne souhaite pas à mes amis américains la victoire d'Obama.





A lire :

André Kaspi, Comprendre les Etats-Unis d'aujourd'hui (Tempus 2008)
Guy Sorman, Made in USA. Regards sur la civilisation américaine (Livre de poche 2004)
Jean-François Revel, L'obsession anti-américaine. Son fonctionnement - Ses causes - Ses inconséquences (Pocket 2003)

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