Réhabiliter Jacques Maritain
Jacques Maritain (1882- 1973) est un philosophe français converti au catholicisme. Auteur de plus de 60 ouvrages, il est considéré comme l'initiateur du renouveau du thomisme au XXe siècle (la pensée de S. Thomas d'Aquin).
J'ai écrit, il y a déjà quelques années, un article sur son oeuvre politique, qui a compté pour moi, même si j'ai bien des motifs de désaccords avec lui. Sa vision du capitalisme est encore très paranoïaque et il ignore à peu près tout des sciences en général et de la science économique en particulier. Cela dit Maritain est un excellent vulgarisateur de la philosophie thomiste et il gagne à être mieux connu en France pour cette raison. Il est davantage connu aux États-Unis où il a émigré de 1939 à 1960, enseignant à Princeton avant de prendre sa retraite dans un couvent à Toulouse.
Je mets cet article en ligne pour ceux que ça intéresse :
A lire aussi sur Contrepoints : http://www.contrepoints.org/2012/04/01/75492-jacques-maritain-le-philosophe-thomiste
Extraits de mon article :
J'ai écrit, il y a déjà quelques années, un article sur son oeuvre politique, qui a compté pour moi, même si j'ai bien des motifs de désaccords avec lui. Sa vision du capitalisme est encore très paranoïaque et il ignore à peu près tout des sciences en général et de la science économique en particulier. Cela dit Maritain est un excellent vulgarisateur de la philosophie thomiste et il gagne à être mieux connu en France pour cette raison. Il est davantage connu aux États-Unis où il a émigré de 1939 à 1960, enseignant à Princeton avant de prendre sa retraite dans un couvent à Toulouse.
Je mets cet article en ligne pour ceux que ça intéresse :
pdf A4
|
epub
|
mobi Kindle
|
|
|
|
0,2 Mo
|
0,2 Mo
|
0,4 Mo
|
A lire aussi sur Contrepoints : http://www.contrepoints.org/2012/04/01/75492-jacques-maritain-le-philosophe-thomiste
Extraits de mon article :
Il est fréquent, à droite, de
lire ou d’entendre que Maritain, après avoir été un fidèle de l’Action
française, est allé se dissoudre dans les eaux de la démocratie chrétienne. Dans le sens contraire, à gauche, on fustigera le Maritain métaphysicien,
disciple de saint Thomas et on applaudira le Maritain penseur des droits de
l’homme et de la démocratie. (…)
Contrairement à la pensée
traditionaliste d’Action française, Maritain ne croit pas qu’il soit possible
ni souhaitable de restaurer un ordre social catholique prémoderne. Penser à une
restauration qui serait une pure réplique reviendrait à nier “l’irréversibilité
foncière du mouvement historique” et la diversité des “ciels historiques” sous
lesquels l’humanité poursuit sa route en essayant d’inventer, en fonction de
conditions nouvelles, des formes culturelles inédites. (…)
Pour Maritain, affirmer le primat
du spirituel, ne signifie aucunement que le corps politique soit le bras
séculier de l’Église. Celle-ci devra désormais exercer son autorité par mode de
rayonnement moral et spirituel et non plus par la contrainte légale. Il faut
reconnaître que l’Église a mis un certain temps à adapter le mode d’exercice de
son autorité aux conditions nouvelle de la culture moderne. (…)
A ceux qui l’accuseront d’épouser
l’universalisme abstrait des droits de l’homme, Maritain répliquera que le
droit naturel est un héritage de la pensée chrétienne la plus traditionnelle et
de même qu’on ne peut mépriser la science à cause de l’athéisme de certains
savants, on ne peut mépriser les droits de la personne sous prétexte qu’ils ont
été compromis avec certaines idées fausses des Lumières. (…)
La
démocratie personnaliste qu’envisage
Maritain ne se confond ni avec une forme de gouvernement, ni avec un parti
démocratique. Sa conviction est que la démocratie est d’”inspiration
évangélique” et qu’elle a une signification essentiellement morale. (…)
Selon la doctrine enseignée par
S. Thomas, Dieu est la source de toute autorité, mais le Prince ne dispose de
cette autorité que par délégation du peuple. C’est le droit de se gouverner
soi-même qui qualifie substantiellement le peuple. En le confiant aux
gouvernants, le peuple ne perd pas la possession de ce droit et les gouvernants
ne font qu’y participer. Seul le Pape détient directement son autorité de Dieu,
il est donc vicaire du Christ. (…)
L’erreur des théoriciens de l’absolutisme, selon
Maritain, est donc d’avoir voulu faire du Prince un pape de la société
politique, c’est-à-dire d’avoir conçu l’autorité du roi sur le modèle de
l’autorité du Pape. Cette confusion du religieux et du politique et à l’origine
des dictatures modernes. Pour S. Thomas au contraire, le Prince n’est pas
vicaire de Dieu mais du peuple, devant lequel il a des comptes à rendre. (…)
Pour cette raison, Maritain
critiquera très sévèrement la notion de souveraineté absolue, introduite par
Jean Bodin. A la notion médiévale de “vicariance”, ce dernier substitue la
notion de “transfert”. Or si l’on transfert bien une chose, il n’en va pas de
même pour un droit. Rousseau a eu donc raison de critiquer ce “transfert”, mais
il a eu tort de forger son concept de “volonté générale” sur le modèle
illusoire de la souveraineté absolue. Dire que le peuple s’autogouverne ce
n’est pas dire qu’il dispose d’un pouvoir illimité et transcendant. Le peuple
reste soumis à l’autorité de la loi naturelle et donc in fine à l’autorité de
Dieu qui seul est souverain. (…)
L’homme et l’État est l’ouvrage de philosophie politique le plus
achevé de Maritain. Il constitue une synthèse de sa philosophie de la
démocratie et de son expérience vivante du modèle américain. Selon Floucat, “ce
modèle est particulièrement célébré en sa structure sociale faite d’une
“multiplicité organique fondamentale” (...) Or il s’agit là précisément d’un
point sur lequel la continuité de pensée, où se déploie au demeurant un
antiétatisme quasiment viscéral, est patente.” (p. 136-137) Pour Maritain,
l’État doit laisser émerger les initiatives autonomes d’organes sociaux divers
et se contenter de réglementer et d’arbitrer en fonction du point de vue
supérieur du bien commun. (…)
Une politique chrétienne implique
aussi de reconnaître la vocation supra-politique des personnes. En effet, en
tant que créature de Dieu, la personne n’est pas réductible au temporel mais
elle est ordonnée aussi au bien commun de l’univers, à son Créateur. Il est
vrai de dire que la personne est pour la cité et doit au besoin se sacrifier
pour elle, mais il est tout aussi vrai de dire que la cité est pour la personne
en ce sens qu’elle lui permet d’accéder à la vie morale et spirituelle qui est
sa fin propre. (…)
C’est
pourquoi la démocratie que Maritain envisage est à la fois personnaliste et
communautaire. La concevoir comme communautaire, c’est reconnaître que le bien
commun de la cité est supérieur à la simple somme des intérêts individuels.
Mais la concevoir comme personnaliste, c’est reconnaître en même temps
l’irréductibilité de la personne à l’État. (…)
Il serait en effet bien utopique
d’espérer un retour de la société à l’âge ou l’unité de la cité était
politico-religieuse et hiérarchique. On ne peut ignorer que l’univers
démocratique, comme l’a montré Tocqueville ne s’est pas seulement déployé dans
les institutions mais aussi dans les mœurs, dans les pensées et dans les cœurs.
(…)
Pour finir, s’il est un grand
penseur français auquel on pourrait, toutes proportions gardées, comparer
Maritain, c’est bien Tocqueville. On retrouve chez eux le même dégoût de la
Révolution française mais aussi le même sens de la réalité historique et de son
irréversibilité, la même fascination pour l’Amérique et sa pratique
démocratique, le même souci de lui donner un contenu substantiel inspiré par le
christianisme. Il faut toutefois regretter l’indifférence quasi totale dans
laquelle sont tenues en France leurs œuvres respectives. (…)
Commentaires