Ayn Rand



Ayn Rand philosophe

La collectivisation des droits
par Ayn Rand
Extrait de The Virtue of Selfishness
New American Library, New York, 1964

Les droits de l'homme 
par Ayn Rand
Publié dans The Objectivist Newsletter en avril 1963.

La philosophie, qui en a besoin ? 
par Ayn Rand
Discours donné à la classe diplômée de l'Académie Militaire des États-Unis à West Point.
New York — 6 mars 1974



Qui est Ayn Rand ? (par Damien Theillier)



Alain Laurent, Ayn Rand ou la passion de l'égoïsme rationnel, Les Belles Lettres, 240 p, 24 €.


Née en Russie en 1902, dans une famille juive aisée sous le nom de Alice Rosenbaum, elle fuit l'URSS en 1926 et s'installe aux États-Unis. Elle gardera toujours une haine farouche pour l'étatisme et le communisme.
Elle se rend à Hollywood et travaille sur des scénarios. Elle fait ensuite connaissance avec le monde de l'édition et publie en 1936, We the living (Nous les vivants), puis, en 1943, The Fountainhead (La Source vive), suivi, en 1957, de Atlas Shrugged, roman qui connaîtra un vif succès.
Ayn Rand donne une série de conférences au cours desquelles elle va préciser ses positions philosophiques individualistes contre le collectivisme, le social-étatisme et l'altruisme sacrificiel.
Elle publie également une série d'articles dans The Objectivist Newsletter dont le premier et le plus important date de 1964 : The Virtue of Selfishness (La Vertu d'égoïsme). Atteinte d'un cancer au poumon, Ayn Rand meurt le 6 mars 1982. (Sources : Gisèle Souchon, Les grands courants de l’individualisme, Armand Colin, 1998, p. 38)

Mal connue en France, Ayn Rand est souvent présentée à tort comme une anarcho-capitaliste. Si elle défend un capitalisme libre, fondé sur un idéal moral, elle n'en demeure pas moins attachée à l'Etat comme protection des droits individuels, droit à la vie, à la propriété et à la liberté de rechercher le bonheur, contre toute forme de violence. Mais l’Etat et le gouvernement ne sont que des moyens, pour l'individu, d'atteindre sa propre fin rationnelle. C'est pourquoi l'Etat n'est qu'une simple agence rétribuée, chargée de protéger les individus en s'ingérant le moins possible dans la vie économique.


LA MORALITÉ DU CAPITALISME : AYN RAND

Extrait d'Alain Laurent : Les grands courants du libéralisme, Armand Colin (épuisé).

Tout en argumentant avec une force inégalée en faveur de la réhabilitation morale d'un plein capitalisme de laissez-faire, l'écrivain et philosophe Ayn Rand (1905-1982) — incontournable aux États- Unis mais dont la France ignore l'audience mondiale — a soutenu la thèse classiquement libérale d'un nécessaire gouvernement limité aux seules fonctions de protection des droits individuels. Tirée à des millions d'exemplaires, toute son oeuvre a été consacrée à ces plaidoyers conjoints, qu'elle soit littéraire avec les best-sellers Nous les vivants (1936/1996, Éd. Rive droite), La Source vive (1943/1997, Plon) et Atlas Shrugged (1957) — ou philosophico-politique avec La Vertu d'égoïsme (1964/1993, Les Belles Lettres) et Capitalism, the Unknown Ideal (1967). 

A. L'éthique objectiviste, de l’égoïsme rationnel

Considérant que par nature l'être humain ne peut survivre que grâce au libre usage de sa capacité rationnelle à maîtriser le réel en le comprenant et l'utilisant, l'éthique « objectiviste » prônée par A. Rand pose « la vie de l'homme comme le fondement de toute valeur, et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu ».
De ces axiomes découle un ensemble de principes à la fois existentiels et moraux qui commandent la nature des relations sociales (exposés en particulier dans La Vertu d'égoïsme):

« L'homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui- même aux autres, ni les autres à lui-même. Vivre pour son propre intérêt signifie que l'accomplissement de son propre bonheur est le plus haut but moral de l'homme. »

Chaque individu est une fin en lui-même et ne peut donc devenir un moyen pour les fins ou le bien-être d'un autre — du moins sans son consentement volontaire : il ne peut être socialement ou politiquement instrumentalisé. Le devoir de tout homme ou groupe ou institution est donc de s'abstenir de violer les droits d'un individu — sauf à sombrer dans le « cannibalisme moral » ou l'« altruisme tribal » forcé.

D'où la définition randienne de la « vertu d'égoïsme rationnel » : le primat moral de la recherche de l'intégrité, c'est-à-dire de l'intérêt personnel (self-interest) dans l'accomplissement et l'« estime de soi » et au sein de relations non sacrificielles avec les autres — définition certes inhabituelle de l'égoïsme mais d'inspiration tout aristotélicienne (L'Éthique à Nicomaque, livre IX).

B. Le capitalisme est seul à servir les droits individuels

Si de tels principes éthiques sont appliqués dans la société, il ne peut qu'y avoir harmonie naturelle des intérêts
«Les intérêts rationnels des hommes ne se contredisent pas (...) il ne peut y avoir de conflits d'intérêts entre des hommes qui ne désirent pas ce qu'ils ne méritent pas, qui ne font ni n'acceptent de sacrifices et qui traitent les uns avec les autres sur la base d'un échange librement consenti, donnant valeur pour valeur.»

La société libre, bienveillante, pacifique et prospère correspondant à ces prémisses ne peut se réaliser que dans le cadre du «capitalisme de laissez-faire », fondé sur la séparation de l'État et de l'économie, seul régime selon A. Rand à être « implicitement basé sur une théorie objective des valeurs ».
Ce n'est pas qu'il permette la meilleure allocation possible des ressources ou serve le mieux le soi-disant « bien commun » mais c'est qu'il est seul en accord avec la nature rationnelle de l'homme.

C. I.a seule fonction du gouvernement protéger les droits individuels

Loin d'être « anarcho-capitaliste », A. Rand juge qu'à moins de prendre le risque du règne de l'arbitraire, du chaos et de la loi du plus violent, cette société de libre-échange exige la présence d'un État minimal

« Le seul but moral qui convienne à un gouvernement est la protection des droits de l'homme. Cela veut dire que le gouvernement doit le protéger de la violence physique, protéger son droit à la vie, à la propriété et à la poursuite de son propre bonheur. Sans droits de propriété, aucun autre droit n'est possible. »

L'État est légitime détenteur de l'emploi de la force pour réprimer la violation des droits car seul à pouvoir être placé « sous un contrôle objectif », c'est-à-dire de lois objectivement définies. Mais il n'est pas le dirigeant des citoyens : seulement leur serviteur et fournisseur de services, volontairement rétribués.




Quelques thèmes récurrents chez Ayn Rand


A/ L’utilisation dans sa réflexion de l’idée de causalité (empruntée à Aristote) : un être humain est la propre cause de ses actions, il doit s’identifier à ses actes. Lorsqu’on parle pour un homme de « gagner sa vie », cette expression est à prendre au sens littéral. Un homme véritable est celui qui est capable de subvenir à ses besoins avant tout. Il coopérera ensuite avec les autres. Nous ne méritons que ce que nous avons gagné par nous-mêmes.

B/ La place de l’héroïsme dans ses livres. Ceci est vraiment à souligner car on ne peut pas dire qu’aujourd’hui les héros « héroïques » soient vraiment à l’honneur. "My philosophy, in essence, is the concept of man as a heroic being, with his own happiness as the moral purpose of his life, with productive achievement as his noblest activity, and reason as his only absolute."

C/ Le tribalisme : pour Ayn Rand, l’État n’est pas le seul ennemi ; le groupe, le collectif, la tribu sont encore plus menaçants pour l’individu.

D/ La culpabilité : Ayn Rand, en prônant la vertu d’égoïsme, a fait la guerre contre le sacrificiel. La culpabilité imméritée est l’ennemi principal de cette romancière. C’est ce qu’explique John Galt, le héros de « La Grève » : le système étatique et prédateur ne tient que parce que les gens consentent volontairement à se laisser opprimer à cause d’une culpabilité qu’on leur a donnée. On est une victime sacrificielle et on est heureux de l’être.
Quelques thèmes récurrents chez Ayn Rand

E/ Son combat pour la Raison. « Je ne suis pas primordialement une avocate du capitalisme mais de l’égoïsme et pas primordialement de l’égoïsme mais de la Raison. Si l’on reconnaît la suprématie de la Raison, tout le reste suivra (…) La raison est au fondement de toute mon œuvre. »

F/ Son combat pour la vie au sens que lui donne John Galt dans « La Grève » dans sa devise : « Je jure, sur ma vie et l’amour que j’ai pour elle, de ne jamais vivre pour les autres, ni demander aux autres de vivre pour moi. » En effet, pour Ayn Rand quelqu’un qui ne vit pas pour s’accomplir lui-même est le premier des prédateurs pour les autres.

G/ Son combat pour le bonheur : le fait de se réaliser soi-même est un gage de bonheur pour soi et aussi pour ceux qui nous entourent.


Films

  • En 1949, The Fountainhead a été adapté au cinéma par King Vidor, avec Garry Cooper et Patricia Neal. Le titre français est Le rebelle (version sous-titrée).
  • The Passion of Ayn Rand, 1999, avec Helen Mirren et Peter Fonda, adaptation de la biographie de Barbara Branden (1986).
  • Ayn Rand : a sense of life. Un documentaire écrit, produit et dirigé par Michael Paxton en 1997.
  • Atlas Shrugged : Part I est un film de Paul Johansson, sorti en avril 2011 aux USA.

Sur Nicomaque :
La philosophie par le cinéma : Ayn Rand

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