Remédier au despotisme démocratique


Tocqueville propose plusieurs remèdes :

1) La décentralisation administrative par les libertés locales : Il faut créer des rapports entre les affaires publiques et privées ; lier l’intérêt particulier à l’intérêt général.

« Il convenait de donner une vie politique à chaque portion du territoire, afin de multiplier à l’infini, pour les citoyens, les occasions d’agir ensemble, et de leur faire sentir tous les jours qu’ils dépende les uns des autres (…) C’est donc en chargeant les citoyens de l’administration des petites affaires, bien plus qu’en leur livrant le gouvernement des grandes, qu’on les intéresse au bien public et qu’on leur fait voir le besoin qu’ils ont sans cesse les uns des autres pour le produire. On peut, par une action d’éclat, captiver tout à coup la faveur d’un peuple ; mais pour gagner l’amour et le respect de la population qui vous entoure, il faut une longue succession de petits services rendus, de bons offices obscurs, une habitude constante de bienveillance et une réputation bien établie de désintéressement. Les libertés locales, qui font qu’un grand nombre de citoyens mettent du prix à l’affection de leurs voisins et de leurs proches, ramènent donc sans cesse les hommes les uns vers les autres, en dépit des instincts qui les séparent, et les forcent à s’entraider. » Source : Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, T2, GF-Flammarion, 1981 (1840)
Voir aussi ici

2) L'essor des associations libres : faibles et indépendants, les hommes ne peuvent rien faire par eux-mêmes. Tout ce qu’ils ne font pas en s’associant, le gouvernement le fera.

« Dans les pays démocratiques, la science de l’association est la science mère (…) Parmi les lois qui régissent les sociétés humaines, il y en a une qui semble plus précise et plus claire que toutes les autres. Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que parmi eux l’art de s’associer se développe et se perfectionne comme dans le même rapport que dans l’égalité des conditions. » Source : Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, T2, GF-Flammarion, 1981 (1840)

3) La liberté de la presse : instrument démocratique de la liberté

« Chez certaines nations qui se prétendent libres, chacun des agents du pouvoir peut impunément violer la loi sans que la constitution du pays donne aux opprimés le droit de se plaindre devant la justice. Chez ces peuples il ne faut plus considérer l’indépendance de la presse comme l’une des garanties, mais comme la seule garantie qui reste à la liberté et à la sécurité des citoyens. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, T2, GF-Flammarion, 1981 (1840)

4) Religion et liberté : la religion soutien les mœurs, et sans mœurs, il n’y a pas de liberté. La religion facilite l’usage de la liberté. La religion donne un élément de stabilité dans ce nouveau monde démocratique qui est en mouvement perpétuel.

Commentaires

BLOmiG a dit…
Très intéressant. Merci de reprendre ici ces points cruciaux, effectivement, pour éviter le despotisme démocratique.

Il faut aussi faire en parallèle, le constat factuel et montrer aux gens en quoi la démocratie peut conduire à des excès, en quoi la démocratie n'est pas un idéal absolu.

Il y a beaucoup de pédagogie à faire. Parler des solutions implique qu'on est déjà d'accord sur le constat des problèmes qui existent (manque de liberté, manque de création de richesses), et sur les diagnostics associés (démocratisme, en l'occurence, ou absolutisme démocratique). La plupart des gens sont persuadés que la démocratie est un idéal indépassable, parfait.

Je trouve très intéressant le quatrième point, parce qu'il me prend à rebrousse poil : je n'aurais pas mis spontanément, parce que très "laïc", la religion comme facteur de liberté. Je suis d'accord qu'on ne peut laisser les moeurs de côté ; mais il faut encore préciser de quelle religion l'on parle, et ce qu'on entend par religion. Il est tellement courant d'entendre appeler indiférement "religion" des religions sécularisées, comme des religions tribales (je pense à l'islam), que ce sujet nécessite beaucoup de précision...Tocqueville j'imagine pense à une version déjà relativement sécularisée du christianisme ?
Damien Theillier a dit…
Oui, tu pointes une difficulté réelle. La religion peut aussi fonctionner comme une prison, elle peut se substituer à la pensée rationnelle et constituer un danger plus qu'un remède. Tocqueville dit que toute religion ("même les plus fausses et les plus dangereuses") a pour vertu d'élever l'âme humaine au-dessus des intérêts matériels immédiats et d'enraciner solidement en elle le sens du devoir et de la responsabilité. L'avantage de la religion c'est qu'elle parle au coeur et comme les hommes sont loin d'être philosophes, ils sont plus fidèles aux principes du coeur qu'aux principes de la raison.
Cela me fait penser à un texte de Bastiat intitulé "Les deux morales" dans lequel il parle de l'importance de la religion dans la vie sociale et de la complémentarité entre la morale économique et la morale religieuse.

Un autre problème concerne la liberté de la presse. Elle est nécessaire mais elle peut parfois aussi se retourner contre la liberté quand elle se met à exercer un pouvoir absolu, sans contre-pouvoir. C'est souvent le cas aujourd'hui.

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