De Paris à Auburn, Alabama, en passant par Atlanta et Birmingham.
Récit d’un voyage dans le Grand Sud des Etats-Unis.
Ce mois de juillet 2010, je dois accompagner ma fille à Atlanta, Georgie, et je voudrais en profiter pour rendre visite à mon ami Daniel qui vit à Birmingham, dans l’Etat voisin d’Alabama. Il est installé aux Etats-Unis depuis plus de 15 ans et il travaille pour la chaîne de télévision catholique internationale EWTN (Eternal Word Television Network, traduction : Réseau Télévisé du Verbe Eternel). Par ailleurs, à deux heures et demi de route plus au sud de Birmingham, se trouve la ville d’Auburn avec son Institut non moins international : l’Institut Ludwig von Mises. Je vais faire d’une pierre deux coups…
Le trajet le plus fréquent pour accéder à Auburn depuis Paris consiste à prendre un avion pour Atlanta. Prévoir 12h de vol avec une escale obligée, à Philadelphie ou Washington, selon la compagnie choisie. Ensuite il vous reste à attendre le shuttle pour Auburn (50$) à moins de louer une voiture. C’est plus cher (100$) mais tellement plus agréable. Conduire un engin puissant avec une boite automatique (toutes les voitures en Amérique sont à essence et non au diesel, moteurs 3 à 6 l. et boite automatique). Si l’avion n’a pas de retard, si vous n’avez pas loupé votre correspondance (ce qui arrive souvent), vous arriverez après 16 heures minimum de voyage dans les bottes et 7 heures de décalage horaire (6 heures pour Atlanta + une heure pour Auburn).
Dans mon cas, je commence par quelques jours à Atlanta puis je me rends à Birmingham, seconde étape de mon voyage. L'Alabama est un Etat grand comme la France (sans la Bretagne) avec 4 millions d'habitants. On y circule sur de grandes autoroutes quasi-désertes. Il n'y a pas de transport ferroviaire par contre on y voit des trains de marchandises géants, tant par la taille des wagons que par la longueur des convois. La capitale administrative de l'Etat est Montgomery (capitale des Confédérés pendant la guerre de Sécession) mais la grande ville est Birmingham.
D’Atlanta à Birmingham (1ère partie)
Daniel est producteur pour la chaine de télévision catholique EWTN, fondée par Mother Angelica à Irondale, faubourg de Birmingham. (On peut capter la chaîne sur Canalsat, n°493). Disponible auprès de 150 millions de foyers et 140 pays différents, la chaîne compte 127 permanents et diffuse l'ensemble de ses programmes en Haute Définition, 24h/24, en anglais et en espagnol. Elle utilise 4 satellites : sur le continent nord-américain, sud-américain, sur l'Asie pacifique et sur l'Afrique. Frais de fonctionnement : 2 millions de dollars par mois, financés par des dons privés.
La chaîne est née en 1981 dans le garage d’un couvent de clarisses, à l’endroit même où sont désormais situés les studios avec leurs antennes paraboliques géantes. Mother Angelica, qui diffusait déjà des émissions à la radio, avait compris l’impact qu’aurait le développement des chaînes câblées privées. En 1982, soit deux ans après CNN à Atlanta, la ville voisine, elle lance son premier « talk show » pour parler de Dieu et de la foi catholique aux américains.
Le matin, la messe de 7 heures est retransmise en direct. La liturgie est soignée. Le rite ordinaire alterne avec le rite extraordinaire, c’est-à-dire le rite latin traditionnel. Ici, pas de harangue à la manière évangélique ou charismatique. Pas de megachurchs clinquantes et bruyantes ni de groupe de rock dans l’église. On privilégie les offices divins traditionnels, les conférences théologiques, l’adoration eucharistique et le rosaire. Des franciscains en soutane côtoient des prêtres en col romain.
Mother Angelica est inflexible sur la doctrine : c’est le Magistère catholique et Romain ou rien ! Elle a d’ailleurs dû résister aux pressions d’évêques progressistes cherchant à s’approprier EWTN ou à lui contester sa légitimité. Elle a même démissionné de la direction du réseau, mettant une entité civile autonome à sa place pour éviter que des clercs puissent un jour en prendre le contrôle, abusant de leur autorité (lire en anglais ici ses déboires avec le clergé, notamment l’évêque de Los Angeles, le cardinal Mahony).
Aujourd’hui Mother Angelica est âgée. Elle vit dans un monastère à Hanceville en Alabama, entourée de ses sœurs. Les frères sont restés à Birmingham. Si vous la voyez prier le rosaire à la télévision, il s’agit d’une retransmission datant de 2003. Après cette date, elle n’a plus fait aucune apparition en direct sur EWTN.
La maison de Daniel est située dans le joli petit quartier résidentiel qui jouxte le campus d’EWTN à Irondale, belle banlieue de Birmingham. Sa dernière création en date sur EWTN : un documentaire sur Marie-Magdeleine en Provence. Deux ans de préparation, 6 mois de tournage en France.
Parmi les familles qui fréquentent la chapelle d’EWTN, je fais la connaissance de Jill et David Anders avec leurs cinq enfants. J’apprends avec intérêt que David est Day Trader et que leurs enfants font du homeschooling. Invité à dîner chez eux avec Daniel, j’apporte ma meilleure bouteille de vin français (le vin français est très apprécié mais pas le foie gras ni le pâté, à savoir !) et je suis curieux d’en savoir plus sur ces deux activités typiquement américaines dont on commence un peu à parler en France. La conversation est passionnante, elle nous transporte en France, au XVIe siècle car il se trouve que David est historien et qu’il a fait sa thèse de doctorat sur la réforme protestante, en particulier sur Jean Calvin. Il me raconte comment il doit sa conversion au catholicisme à ses travaux d’historien et à sa découverte de la tradition médiévale et des pères de l’Eglise, totalement occultés par les églises protestantes américaines. (Lire ici mon entretien avec David Anders).
Daniel anime quelques réunions très appréciées à Birmingham. Méditerranéen, il a grandi en Provence, grand amateur de cuisine traditionnelle, il organise des dîners mensuels, qu'il appelle « Theology of the table » ou théologie par la table : conversations religieuses autour d’un bon repas préparé en commun, avec des recettes différentes chaque mois. Les Américains savent assez mal se nourrir parce qu’ils n’en prennent pas le temps. Il faut leur réapprendre à s’asseoir à table, à cuisiner, à déguster une ratatouille provençale, un aïoli fait maison, une tapenade, un pain au levain (« Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours » !) à boire un bon vin (sans glaçon…).
En outre, Daniel a créé un petit groupe d’américains francophones, par une simple annonce dans le journal. Ils se réunissent le mercredi dans le Starbucks coffee du mall situé sur une colline qui surplombe Birmingham (The Summit Life Center) pour parler de la France. Tous ces américains rêvent de venir un jour à Paris. Ils cultivent le français comme la langue de la culture et de l’art de vivre par excellence. Il faut dire que l’espagnol est désormais la langue la plus parlée après l’anglais. Mais c’est un phénomène assez récent. Dans les années 60, le français était encore la seconde langue des américains.
Ce mercredi, un grand black nous rejoint au Starbucks. Nous l’avions rencontré trois jours plus tôt dans un Wal-mart, à la caisse. Il attendait derrière nous et en nous entendant parler français, il nous avait abordé dans un français impeccable. Celui que nous aurions pris pour un joueur de basket, amateur de gangsta rap, se trouvait être un interne en médecine et un passionné de la France !! Aux USA décidément l’habit ne fait pas le moine. Nous rencontrons aussi un jeune couple qui vient pour la première fois. Leur parents sont des missionnaires charismatiques et ont effectué plusieurs missions en Europe. Ils ont ainsi vécu plusieurs années en région parisienne…
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