Murray Rothbard


On parle beaucoup de la crise du politique, du déclin de la démocratie parlementaire, du gouvernement représentatif et donc de la liberté. On impute un peu facilement cette crise au capitalisme et à la "dictature des marchés". 
Cette situation est en fait la conséquence d’un changement intellectuel radical dans les idées. La crise que nous traversons est une crise de civilisation, c’est-à-dire une crise intellectuelle.

Depuis la naissance du socialisme en France au XIXe siècle et le renfort d’un pseudo-libéralisme keynésien au XXe siècle, on a soutenu l’idée que l’on pouvait légitimement violer les droits de propriété, au nom de la justice et de l’équité.

La politique s’est trouvée détachée de son socle moral c’est-à-dire de l’ordre naturel dans laquelle elle trouvait sa légitimité. L’Etat est devenu alors l’instrument d’une lutte de pouvoir entre des minorités ou des groupes de pression. Chaque groupe tentant d'imposer aux autres sa loi, par la force et la violence de l'Etat. C'est ce que Bastiat nommait la "spoliation légale".

Dans L'Ethique de la liberté, qui date de 1982, Murray Rothbard écrivait ce passage étonnant d’actualité pour nous aujourd'hui : 

« A l’époque où l’intervention étatique et la politique monétaire avaient provoqué la grande Crise des années 1930, la mythologie populaire voulut que la décennie précédente eût été une période de laissez-faire. Il semblait donc plausible de croire que “le capitalisme avait échoué” et qu’un pas de géant vers l’étatisme et le pouvoir des hommes de l’Etat était nécessaire pour ramener la prospérité et le progrès économique. Mais la crise actuelle fait suite à plusieurs décennies d’étatisme, et sa nature même permet maintenant à la population de prendre conscience que c’est au Tout-Etat que la responsabilité en incombe.
On a maintenant tâté de toutes les variantes de l’étatisme et elles ont toutes échoué. Partout dans le monde occidental au début du 20ème siècle les chefs d’entreprise, les politiciens et intellectuels s’étaient mis à appeler de leurs vœux un “nouveau” système d’économie mixte, de domination étatique, à la place du laissez-faire relatif du siècle précédent. De nouvelles panacées, attrayantes à première vue, comme le socialisme, l’Etat corporatiste, l’Etat-Providence-Gendarme du monde, etc. ont été essayées et toutes ont manifestement échoué. Les argumentaires en faveur du socialisme et de la planification étatique apparaissent maintenant comme des plaidoyers pour un système vieilli, épuisé et raté. Que reste-t-il à essayer sinon la liberté ? »

Il existe une grande confusion à propos du libéralisme de nos jours. Le « laissez-faire » (impératif) est presque toujours confondu avec le « laisser-faire » (infinitif). Cette dernière expression renvoie à une attitude négligente dans l'application d'une politique, impliquant l'absence de toute règle de droit. 

Or le « laissez-faire » n'est pas un « laisser-aller » ! C'est un plaidoyer pour un système de liberté, dans lequel chaque personne ferait elle-même ses propres choix et aurait à supporter ou à profiter des conséquences de ses choix. Rothbard avait l'habitude de dire que la liberté c'est "le droit de faire tout ce que l'on veut avec ce qui nous appartient". Ces derniers mots changent tout. Le droit naturel de propriété constitue le socle moral de la liberté qui permet à chacun d'exercer une liberté responsable, dans le respect des autres. Dès lors le rôle de l'Etat n'est plus de décréter arbitrairement qui a droit à quoi, sous la pression d'intérêts catégoriels ou d'une prétendue justice sociale. Son rôle se borne à constater la propriété légitime de chacun et à la défendre contre tout empiétement, ce qui n'est autre chose que la défense du bien commun.

L'expression « laissez-faire », qui fut utilisée pour la première fois par les physiocrates français du XVIIIe siècle, est désormais devenue une expression consacrée, notamment aux Etats-Unis ou elle est toujours employée en français et orthographiée correctement. A l'origine l’expression exacte était : « Laissez-nous faire ». C'était une injonction faite à Colbert, ministre de Louis XV contre l'ingérence gouvernementale dans le commerce des grains notamment.

A propos de la crise financière de 2008 et dans un esprit de clarification, j'ai publié une recension de Meltdown (traduit en français Débâcle) de Thomas Woods, un disciple de Murray Rothbard.

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