La Fayette nous voilà !


En ces temps de crise, il est bon de prendre un peu de recul avec l’actualité et de relativiser les maux du quotidien. Pour retrouver le moral, rien de tel que de remonter le fil du temps, à la rencontre des grands témoins de notre histoire... qui en ont vu d'autres !

Ce mois d'août, je me suis mis à la lecture de livres sur le marquis de La Fayette. Pourquoi m'intéresser à ce personnage obscur dont plus personne ne parle ? Parce que je reviens d'un séjour aux Etats-Unis et que là-bas on ne parle que de lui !! Il y a trois français aussi célèbres que populaires aux USA : La Fayette, Tocqueville et Bastiat.

On se plaint parfois du fait que la France manque de grands symboles historiques ou de figures emblématiques capables d’unir les français par delà leurs divisions. Pourtant dans l’histoire moderne, il y a un homme qui transcende les partis et les querelles idéologiques et cet homme, c’est le marquis de La Fayette.

Quand on se plonge un peu dans le récit de la vie de La Fayette, on ne peut qu'être fasciné ! A la fois témoin et acteur de 3 révolutions (19776, 1789, 1830), il a exercé une influence décisive sur le destin des Etats-Unis et de la France, sans jamais dévier de son idéal : la liberté.

Et pourtant la tâche était compliquée : après avoir connu la gloire en battant les anglais en Amérique, il a tenté d'adapter à la France les principes éthiques, politiques et économiques des Pères Fondateurs. Il n'était pas question pour La Fayette d'abattre la monarchie mais plutôt de la refonder sur un régime constitutionnel et parlementaire. Il lui fallait donc à la fois défendre la monarchie contre les révolutionnaires fanatiques et dans le même temps faire accepter à la Cour des réformes institutionnelles majeures pour sortir la France du régime des castes et des monopoles aristocratiques.

Après avoir été exilé une première fois par les Jacobins, il a dû résister à Napoléon, refuser de le servir, dénoncer sans relâche son despotisme arrogant. Nouvel exil... Il était donc détesté à la fois des révolutionnaires, des contre-révolutionnaires, des bonapartistes, des Républicains, modérés et radicaux.

Par contre, il fut l'ami de Washington, qui le traitait comme son propre fils, l'ami de Jefferson et de Franklin, l'ami de Benjamin Constant et de Mme de Staël (il a même fait un séjour au château de Coppet en Suisse et a prononcé un éloge funèbre de Constant lors de son enterrement). Il fut aussi très proche du philosophe Destutt de Tracy, grand ami lui aussi de Jefferson et père de sa belle-fille, Mlle Destutt de Tracy, qui épousa son fils George Washington de La Fayette.

La Fayette meurt à Paris en 1834, après avoir vu passer de son vivant 10 régimes politiques successifs, de Louis XVI à Louis-Philippe. Le général Pershing, commandant les troupes américaines, participera le 4 juillet 1917 à une cérémonie sur la tombe du Marquis de La Fayette, au cimetière de Picpus. Plusieurs discours furent prononcés dont celui du Colonel Charles Stanton qui lança la phrase historique : « La Fayette, we are here ». Et en 1944, c'est à nouveau aux cris de « La Fayette, nous voilà » que les Américains débarquèrent en Normandie.

A suivre... (un article sur sa pensée et ses écrits à paraître sur 24h Gold que je mettrai en lien ici).

Ci-dessous, j'ai mis en ligne un texte écrit en 1834, à sa mort, par son médecin personnel qui résume de façon un peu naïve mais assez fidèle les péripéties de son existence.

Je recommande aussi la lecture de quelques sites web et de quelques livres :

https://sites.google.com/site/vivelafayette/home (en français)
http://www.institutcoppet.org/2011/08/24/la-fayette-inlassable-champion-de-la-liberte (un article sur sa vie)
http://www.chateau-lafayette.com (le château en Auvergne ou est né La Fayette)
http://www.hermione.com (reconstruction la frégate Hermione, qui en 1780 permit à La Fayette de traverser l’Atlantique pour rejoindre l’Amérique. Mise à l'eau prévue en juillet prochain)

Un film sur La Fayette avec Vincent Cassel est en préparation:
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19231578&cfilm=191306.html
http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18602277.html

http://www.friendsoflafayette.org (en anglais)

Pour les livres, je recommande en premier lieu celui de Gonzague Saint Bris. (le 3e en partant de la gauche) qui se lit comme un roman :



Souvenirs sur la vie privée du général Lafayette
Par Jules Cloquet


Quelle existence, en effet, que celle de Lafayette ! Un enfant d'une faible complexion, élevé dans les préjugés et les idées aristocratiques de son époque, auquel on présente la science du blason comme la première des connaissances humaines, sort à peine de l'adolescence, qu'il sent tout-à-coup son cœur battre d'un noble élan aux cris de détresse d'un peuple qui lève l'étendard de l'indépendance pour se
soustraire à la trop pesante tutelle de l'Angleterre. Cet homme, à l'âge de dix-neuf ans, quitte une femme belle et jeune qu'il adore, et à laquelle il vient d'unir sa destinée ; il brave et surmonte tous les obstacles qui s'opposent à son généreux dessein, passe les mers, et court offrir aux peuples opprimés de l'Amérique septentrionale ses conseils, son bras et sa fortune. Après avoir versé son sang pour eux aux plaines de la Brandywine, il ramène la victoire sous leurs drapeaux ; par son influence personnelle et par le crédit de sa famille, il détermine le cabinet de Versailles à reconnaître et à soutenir l'indépendance des États-Unis, et assure ainsi le triomphe de la plus sainte des causes.

Ce même homme traverse pur un siècle de corruption : inaccessible aux plaisirs de la cour de Louis XV, à la dissipation vers laquelle la jeunesse se trouve entraînée sous le règne suivant, il est témoin des abus et de la faiblesse du pouvoir, de la résistance qu'on lui oppose de toutes parts, et assiste aux premiers ébranlements qui annoncent la réforme et précèdent la tourmente révolutionnaire. Les opinions et les intérêts des différentes classes sont aux prises ; les liens de la société se relâchent ; ses éléments confondus, opposés les uns aux autres, se heurtent ; les masses se soulèvent, et menacent de tout soumettre à la force brutale de leurs passions déchaînées. Un pacte fédératif naît de ce conflit ; il est juré sur l'autel de la patrie par le Roi, par l'armée, par quatorze mille députés des gardes nationales, par Lafayette au nom de ses concitoyens et aux acclamations de trois cent mille spectateurs. Le plus solennel des serments civiques, qui semble assurera jamais le bonheur de la France, est répété d'un bout de l'empire à l'autre ; mais il est bientôt rompu. Commandant de la garde nationale, de cette garde citoyenne qu'il avait créée, Lafayette affronte avec calme les dangers qui l'environnent, et repousse avec horreur les excès dont se souille, dès son début, cette révolution qui devint aussi féconde en crimes qu'en traits d'héroïsme. Sa conscience est l'étoile qui le guide ; son courage, le gouvernail qui le dirige au milieu de la tempête qui bouleverse la France ; et il ne marque son passage à travers cette grande époque, que par son patriotisme, son courage civique, les réformes utiles qu'il opère, et les institutions libérales dont il concourt à doter la France.

La pureté de ses sentiments et sa morale politique deviennent pour lui, après le 10 août 1792, un titre de proscription. Il n'a que l'alternative de quitter sa patrie ou de violer ses serments au gouvernement constitutionnel : il ne balance pas, et s'exile. Ses perfides ennemis le saisissent sur un territoire neutre, contre le droit des gens, et le jettent dans les fers, espérant abréger, ou du moins faire oublier des jours sur lesquels veillait la Providence. Us l'abreuvent des plus indignes traitements ; le promènent pendant cinq ans des prisons de la Prusse à celles de l'Autriche ; et les cachots d'Olmutz ne retiennent qu'à regret, sur des ordres arrachés à l'Empereur, tant de vertu, de courage et de résignation !
Lafayette absent de la scène politique, la France, grâce à l'institution des gardes nationales, malgré la guerre civile qui désole ses provinces, continue à résister aux efforts de l'Europe conjurée. L'ancienne monarchie est sapée de toutes parts ; son trop faible héritier, malgré ses vertus et la constitution qui le protège, tombe, et son trône s'écroule avec fracas. Les partis, tour-à-tour vainqueurs et vaincus, se montrent tantôt cruels et sanguinaires, tantôt grands et magnanimes, mais toujours terribles. Rien n'est respecté : de burlesques ou sanglantes saturnales expriment la joie, ou plutôt le délire d'un peuple ivre de licence, et avilissent le culte qu'il rend à l'Être-Suprême ; les temples sont pollués ou renversés, leurs ministres bannis ou immolés ; des villes entières, déclarées rebelles, doivent être rasées au nom de la loi, pour ne plus souiller le territoire de la république ; la mort plane sur la France, aux noms profanés de la liberté et de l'égalité ; la hache révolutionnaire fait tomber l'élite d'une société qu'elle prétend niveler ; et les hommes les plus distingués par leur rang, leurs vertus et leurs lumières paient de leur tête le généreux dévouement qu'ils portent aux intérêts de la patrie. Les frénétiques représentants de la montagne, les coryphées du despotisme populaire, sont bientôt eux-mêmes égorgés : avec eux finit le règne de la terreur, ouragan qui, après avoir dévasté le palais des rois, jetait au loin l'épouvante et la désolation.

Après une longue et cruelle détention, Lafayette, rendu à la liberté, est encore obligé de traîner ses jours dans l'exil. A peine a-t-il mis le pied sur le sol qui l'a vu naître, qu'il trouve ses compatriotes fascinés par la gloire du soldat qui doit plus tard les courber sous son sceptre d'airain, en immolant la liberté avec l'arme dont il s'est servi pour abattre l'anarchie. Il se réduit alors à une vie obscure et comme oubliée, dans une retraite où il cultive à-la-fois ses champs et l'amitié. Là, il résiste aux puissantes sollicitations du conquérant dont la renommée éblouit l'Europe et l'enchaîne à son char. Napoléon n'est à ses yeux qu'un génie supérieur, qui abuse de sa puissance pour asservir le monde ; et, malgré ses obligations personnelles envers lui, il refuse de graviter dans la sphère du despotisme impérial.

Après les malheurs de l'empire, tristes fruits de nos conquêtes, la paix vient consoler la France, déchirée et envahie par ses ennemis, sous le titre d'alliés. L'aurore de la liberté commence à se lever sur cette terre chérie, qui cesse d'être mise en coupes réglées pour opprimer les autres peuples. L'institution à laquelle la France doit ses triomphes, et à laquelle l'Europe devra un jour son émancipation, la garde nationale renaît ; Lafayette se réveille à l'espérance ; son cœur palpite d'une ardeur nouvelle ; il sort de sa retraite, court à la tribune défendre les libertés publiques contre les vieux préjugés et l'empiètement d'un pouvoir restauré par la force ; et sa voix se fait entendre dès qu'il s'agit de l'honneur, de la gloire ou de l'indépendance de son pays.

Les Américains l'appellent à grands cris : il va retremper ses forces auprès de ses vieux compagnons d'armes, qu'il conduisait, il y a plus de cinquante ans, sous les murs de York-Town, pour cueillir avec eux les palmes de la victoire, et en ombrager le berceau de leur liberté naissante. Les enfants de l'Amérique libre ont hérité de la reconnaissance de leurs pères, et décernent à leur défenseur un triomphe unique dans les fastes du monde.

De retour en France, une insurrection populaire, mais légale, venge la charte, en renversant le souverain qui l'a violée. Au milieu de cette glorieuse révolution, dont le bruit, semblable à celui du tonnerre, retentit dans toute l'Europe qu'elle menace d'une conflagration générale, Lafayette, conséquent à ses principes, fidèle au mandat qu'il a reçu du peuple, tâche d'asseoir, sur des bases plus larges et plus solides, la liberté et le bonheur de sa patrie  ; et depuis cette époque jusqu'à sa mort, ses efforts sont constamment dirigés vers ce but.

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