L'Europe et ses fondements

Après les JMJ, pour mieux connaître Benoît XVI, il est nécessaire de lire ses écrits et de ne pas en rester aux images. Voici quelques extraits de son livre sur l'Europe (L’EUROPE, SES FONDEMENTS, AUJOURD’HUI ET DEMAIN, Éditions Saint-Augustin, 2005)

1° Sur la foi et la raison :
"La foi en Dieu, l’idée de Dieu peut être instrumentalisée et devenir ainsi délétère : tel et le péril couru par la religion. Mais, de son côté, une raison qui se détache totalement de Dieu, et veut le confiner dans le domaine purement subjectif, perd la boussole et ouvre les portes aux forces destructrices. Si l’Âge des Lumières est allé à la recherche de fondements moraux et si Deus non daretur (comme si Dieu n’existait pas), nous devons, aujourd’hui, inviter nos amis agnostiques à s’ouvrir à une morale si Deus daretur (comme si Dieu existait). Kolakowski, ayant connu l’expérience d’une société athéo-agnostique, a magistralement montré que, sans ce point de référence absolu, l’action de l’homme se perd dans l’incertain et reste inévitablement en proie aux forces du mal. Chrétiens, nous sommes appelés aujourd’hui, non pas, bien sûr, à mettre des limites à la raison et à s’opposer à elle, mais à refuser, plutôt, sa réduction au domaine du faire ; à tout mettre en oeuvre pour affirmer sa capacité de percevoir ce qui est bon et Celui qui est bon, ce qui est saint et Celui qui est saint. Ce n’est que de cette manière que l’on mène le véritable combat en faveur de l’homme, et contre la déshumanisation. Seule une raison ouverte à Dieu, seule une raison qui ne relègue pas la morale dans le domaine du subjectif, ou la réduit à un pur calcul, peut s’opposer à l’instrumentalisation de l’idée de Dieu, aux pathologies de la religion, et leur apporter une guérison."
2° Sur l'Europe :
"Rappelons-nous les noms de Adenauer, Schumann, De Gasperi, De Gaulle. C’étaient des personnes intelligentes, capables d’objectivité, douées d’un sain réalisme politique. Ils savaient bien que la politique ne pouvait être pur pragmatisme, mais qu’elle comportait une dimension morale : la politique vise la justice et, avec elle, la paix. L’ordre politique et même le pouvoir doivent reconnaître pour origine les critères fondamentaux du droit. Mais si l’essence de la politique est de rendre le pouvoir moral ainsi que l’ordre qui a pour source les principes du droit, alors tout repose sur une donnée éthique fondamentale.
Mais d’où proviennent les critères essentiels de la justice ? Où pouvons-nous les trouver ? Pour ces hommes, il était évident que les Dix Commandements constituent le point de référence fondamentale pour la justice, valable à toutes les époques ; ils avaient relu, approfondi, réinterprété cette référence à la lumière du message chrétien. Le rôle historique de la foi chrétienne dans le retour de l’Europe à la vie est incontestable.
C’est le grand mérite du christianisme, non seulement d’avoir donné naissance à l’Europe après le déclin de l’Empire gréco-romain et après la période des invasions barbares. Et la renaissance de l’Europe, après la Seconde Guerre mondiale, s’enracine également dans le christianisme, et donc dans la responsabilité de l’homme devant Dieu : nous en avons bien conscience, là réside le fondement ultime de l’État de droit, ainsi que le stipule clairement la Constitution allemande, établie après la chute du nazisme.
Quiconque, aujourd’hui, veut construire l’Europe comme bastion du droit et de la justice, susceptible de valoir pour tous les hommes de toutes les cultures, ne peut se réclamer d’une raison abstraite, qui ignore Dieu et n’appartient à aucune culture précise, mais qui prétend mesurer toutes les cultures à l’aune de son propre jugement. Mais de quelle mesure s’agit-il ? Une telle raison, peut-elle garantir une liberté quelconque, peut-elle refuser quelque chose ? Aujourd’hui encore, responsabilité devant Dieu, enracinement dans les grandes valeurs, vérité de la foi chrétienne – valeurs qui débordent toutes les confessions chrétiennes, car elles sont communes à toutes –, telles sont les forces - absolument nécessaires pour construire une Europe unie, et qui soit infiniment plus qu’un unique bloc économique : une communauté de droit, un bastion du droit, non seulement pour elle-même, mais aussi pour l’humanité entière."
3° Sur Platon :
"Devant les tentations du pouvoir, il est essentiel de se rappeler la vérité de ce jugement : chacun de nous devra rendre compte. Dans le Gorgias de Platon, nous trouvons un récit remarquable qui, loin d’être annulé, se trouve pleinement étayé par la foi chrétienne.
Platon raconte comment l’âme, après la mort, se retrouve nue, devant le Juge. Ne compte plus, alors, le rang qu’elle avait eu dans le monde, eût-elle été l’âme du roi de Perse ou de quelque autre prince. « Le Juge voit que les parjures et les injustice l’ont en quelque sorte flagellée et couverte de cicatrices ; que chaque action a gravé l’empreinte sur son âme; que le mensonge et la vanité y ont tracé mille détours obliques, et qu’il n’y a rien de droit en elle, parce qu’elle a été élevée loin de la vérité. Il voit que la puissance sans bornes, la vie molle et licencieuse, une conduite déréglée ont rempli cette âme de désordre et d’infamie. […] D’autres fois, voyant une âme qui a vécu saintement et dans la vérité, l’âme d’un particulier, ou de quelque autre, […] il en est ravi et l’envoie aux Îles Fortunées. » Lorsque l’on est fermement convaincu de devoir rendre compte, le droit et la justice sont assurés."

On peut consulter l'intégralité de ce texte ici
Ainsi qu'un autre texte sur la vérité du christianisme (conférence à la Sorbonne, 1999)

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