L'école selon Jacqueline de Romilly

Jacqueline de Romilly s'exprime aujourd'hui dans Le Figaro (Propos recueillis par Marie-Laure Germon [08 décembre 2005]

" Je regrette que l'on n'oeuvre pas suffisamment pour ce qui développe la formation de l'esprit par la culture, par les textes et l'intimité avec les grands auteurs, perdant ainsi un contact précieux avec ce que les autres ont pensé avant nous. "

Extraits :
Diriez-vous que l'enseignement actuel est en partie responsable de l'effondrement du sens civique ?

J'en suis convaincue et cela me préoccupe beaucoup. On en voit d'ailleurs les résultats tous les jours et qui ont même culminé en crises graves, telles celles traversées dans nos banlieues. Mais je veux croire que ces tensions répétées sauront engager un sursaut. Au plan pédagogique, je distinguerais deux éléments cardinaux qui nous font actuellement défaut : tout d'abord, la qualité de l'atmosphère des classes où l'on apprenait le goût du travail bien fait, de l'effort, du respect de l'autre élève ; soit un ensemble de valeurs qui ont été abandonnées. Mais surtout, nous savons qu'il n'y a pas si longtemps dans nos classes littéraires, les élèves apprenaient avec patience et joie l'art de l'attention, celui d'appréhender et de saisir une pensée qui n'était pas la leur, de former le jugement et de former l'esprit tout en entraînant la mémoire. C'est en cela même que réside l'essence de l'éducation, et non pas dans le fait d'apprendre sans s'en imprégner, une somme de connaissances qu'on pourra ressortir à l'état brut à la sortie des études. (...)

Quel regard portez-vous sur ces jeunes qui refusent de se plier à la loi de l'école et de la cité ?

Professeur dans l'âme, je sais l'importance de l'enseignement et je crois que si l'on voulait bien considérer les différentes crises actuelles non pas comme un événement ponctuel surgissant tout à coup mais comme le produit d'une éducation et d'une formation fautives et lacunaires des jeunes, alors de cette conscience naîtraient de réels progrès. Le problème, c'est qu'on les habitue un peu à récuser les règles de la vie commune et que l'enseignement, tel qu'il a été organisé, a manqué de jouer le rôle unificateur qui est le sien. Mais attention, gardons-nous de noircir le tableau. Je rencontre partout des personnes – élèves et enseignants – qui offrent des modèles d'ardeur et de zèle. (...)

Commentaires

Anonyme a dit…
N'etait ce pas Ernest Renan qui suggerait dans son fameux ouvrage intitulé L'avenir de la Science qu'" une ecole où les ecoliers feraient la loi serait une triste ecole " ..!


Kevin

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