Les oubliés du libéralisme français


Henri Lepage vient de publier sur son blog un bel article sur Charles Comte et Charles Dunoyer, 2 oubliés du libéralisme français au XIXe siècle, sous la Restauration.

Charles Comte et Charles Dunoyer sont deux disciples de Benjamin Constant, de Destutt de Tracy et de Jean-Baptiste Say (dont Charles Comte deviendra le gendre). Il sont nés juste avant la révolution française et ont autour de 30 ans en 1814, lorsqu'ils créent ensemble le journal Le Censeur qui deviendra Le Censeur européen en 1816. Ils furent, avec Say, les maîtres à penser de Frédéric Bastiat. "Je ne connais, disait Bastiat, en parlant du Traité de législation de Charles Comte, aucun livre qui fasse plus penser, qui jette sur l'homme et la société des aperçus plus neufs et plus féconds."

Comte et Dunoyer sont avant tout des philosophes de la société. A la différence des économistes orthodoxes, leur problème n'est pas seulement de comprendre comment une société crée de la richesse, mais aussi de comprendre comment faire bénéficier le plus grand nombre des bienfaits de l'industrie et du commerce.

Comte et Dunoyer ont exposé leur conception de l'évolution des sociétés :

1. Les premières sociétés, sauvages, qui vivaient de chasse et de ceuillette.
2. Des sociétés toujours nomades, mais qui ont commencé à maîtriser l'élevage.
3. Les premières sociétés sédentaires, qui utilisaient les esclaves dans les champs.
4. Des sociétés de privilèges, fondées par exemple sur le féodalisme.
5. Des sociétés de connivence politique (sous l'Empire et la Restauration).
6. Des sociétés industrielles, basées sur la production pour le marché.

Pour eux, le "régime industriel" est le régime le plus favorable à la liberté. Que signifiait, à l'époque, le terme "régime industriel" ? Selon Lepage, il désignait "ce que nous appellerions aujourd’hui le marché, le libre échange, le laissez-faire, ou encore même la mondialisation".

Comte et Dunoyer sont aussi à l'origine de la première théorie libérale de la lutte des classes, fondée sur une analyse critique radicale de l'Etat (Marx reconnaît s'en être inspiré en la détournant).
Selon eux, les gouvernants, l'administration et leurs nombreux clients, forment une « classe parasitaire ». Cette classe s'enrichit aux dépens de la classe productive aux moyens d'instruments coercitifs tels que l'impôt, le monopole public, la réglementation, etc.

C'est pourquoi, la seule manière de débarrasser le monde de l’exploitation d’une classe par une autre consiste à détruire le mécanisme même qui rend cette exploitation possible : le pouvoir de l’Etat de distribuer et de contrôler la propriété et la répartition des avantages qui y sont liés. Comte et Dunoyer considèrent l’Etat, à la différence des socialistes, comme la source même des privilèges et des injustices, plutôt que comme l’instrument par lequel ces problèmes peuvent être résolus.

L'Etat n'en reste pas moins utile. Dans son article " Gouvernement " dans le Dictionnaire de l'économie politique, Dunoyer écrit que " la tâche particulière de l'Etat ... est d'apprendre aux hommes à bien vivre entre eux ... il est producteur de sociabilité, de bonnes habitudes civiles : c'est le fruit particulier de son art et de son travail... ". Mais son rôle n'est pas de faire le bien, il est de corriger les penchants antisociaux. Autrement dit, l'Etat est avant tout un gendarme, son rôle est de produire de la sécurité pour les honnêtes gens et de nuire aux malhonnêtes.

Plan de l'article de Lepage :

La richesse de la Restauration
Qui étaient Comte et Dunoyer ?
Qu’est-ce qui fait leur originalité ?
La liberté par l’industrie
La lutte des classes
Un libéralisme radical
Une pensée charnière
Les ancêtres du Public Choice
Les initiateurs du paradigme anarcho-capitaliste.

A lire aussi : Ralph Raico, Les libéraux français du 19 ème siècle : une oeuvre injustement oubliée

Sur le site de la BNF, on peut télécharger De la liberté du travail, ainsi que le Nouveau traité d'économie sociale de Dunoyer.


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