Prologue du livre d'Alain Laurent


"Les sociétés ouvertes" qui caractérisent les démocraties occidentales se trouvent actuellement confrontées - toutes- à l'implantation d'un islamisme conquérant et à une immigration extra-occidentale de masse qui ne s'intègre pas. On a beau le nier plus ou moins, on a beau minorer ces problèmes, il s'agit d'une réalité qui touche toute l'Europe et pas que la République française.
"Une société ouverte ne peut-elle justement s'ouvrir tout en se maintenant en tant que telle que si y sont impérativement reconnues et pratiquées certaines règles et valeurs...?"

Définition de la société ouverte.

L'expression a été trouvée par Bergson et développée par Karl Popper ("la Société ouverte et ses ennemis") : la société ouverte se caractérise par un nouveau principe d'organisation sociale basé sur "le primat de la responsabilité individuelle, du libre examen rationnel et critique, qui exige des efforts sur soi-même pour vivre en libre individu dans des rapports pacifiés et détribalisés aux autres."
Ce qui est très important c'est que cette société ouverte est fondée sur des valeurs communes, un socle de normes fondatrices et universelles (liberté, entraide, recherche de la vérité, responsabilité intellectuelle, tolérance). Ce socle permet de s'ouvrir à des opinions et croyances différentes qui peuvent cohabiter ensemble sans nier le fondement commun. Cette société ouverte est le fruit d'une longue et complexe évolution. D'ailleurs cette "libération" de la société occidentale demeure toujours inachevée et sans cesse remise en question. Ce qui est un risque à prendre pour l'homme, risque permanent et c'est ce qui explique la tentation de régresser vers l'état de société close qui est plus sécurisant. D'où la fin du titre de l'ouvrage de Popper : "et ses ennemis" qui témoigne des chocs que certains provoquent pour retourner au tribalisme (plus d'unité et de sécurité dans le tribalisme) ou société close.

Hayek va développer ce concept de société ouverte :"société ouverte d'individus égaux devant la loi". Avec l'observation pour ses membres de "règles abstraites de conduite" (abstraites ne veut pas dire incompréhensibles ou éloignées du réel mais simplement règles de nature formelle, universelle, applicables à tout individu sans considération d'appartenance à un groupe particulier.). Ainsi, le membre de la société ouverte va t-il pouvoir jouir de sa liberté individuelle que s'il accepte ses règles du jeu ("rule of law") et à condition, toujours, pour la sauvegarde de cette société, que ces "règles abstraites" soient bien comprises et acceptées.

Les nouveaux visages de l'adversité (ou "hostilité polymorphe") Le nouvel adversaire de la société ouverte : "l'alterculturel" "qui mesure l'écart considérable entre des cultures à forte tradition patriarcale, communautaire, théocratique et la modernité détribalisée, égalitaire, sécularisée, privatisée des sociétés ouvertes."

Envisager l'islam et l'immigration extra-européenne comme ennemis potentiels de la société ouverte est politiquement incorrect. Mais là n'est pas le problème. Le problème est de ne pas ériger en blocs monolithiques et menaçants l'islam et l'immigration extra-européenne . En effet, "ils ne peuvent en partie le devenir que mécaniquement, involontairement, dans certaines conditions : si les flux migratoires s'enflent au point d'excéder les capacités momentanées d'absorption qui ne sont pas infinies et s'il y a trop pour certains d'entre eux de distance culturelle, ce qui enraye le processus d'intégration et génère de multiples désordres."

En ce qui concerne les musulmans : s'ils professent un islam radical qui les renvoient aux caractéristiques d'une société close, et bien "ceux-là sont culturellement de nouveaux ennemis potentiels ou agissants d'une société ouverte dont les règles du jeu ne sont ni négociables ni adaptables."

Les nouveaux ennemis concernent aussi des citoyens "historiques" ou "de souche" : les groupuscules d'extrême droite raciste et facistes, les héritiers idéologiques directs du marxisme recyclés en néo-communistes trotskistes ou altermondialistes devenus des activistes alliés à l'islamisme (...), les "idiots utiles" du droit de l'hommisme prétendument anti-racistes et immigrationnistes, les idolâtres multiculturalistes de "l' Autre" qui militent pour une société hyperouverte à toutes les cultures..."

En résumé, cette nouvelle "hostilité polymorphe" qui s'attaque aux vraies sociétés ouvertes commence à être dénoncée et tout d'abord reconnue par une pensée résistante.
Exemple de critiques : "le multiculturalisme est un relativisme qui s'enferme dans le nihilisme" (Alain-Gérard Slama 2005); "l'hostilité que les fanatiques vouent au principe d'une société ouverte où l'égalité formelle est reconnue à tous" (Bruckner, 2006); "Ordre islamique et société ouverte" (chapitre d'un livre d'Alexandre del Valle, 2002).

La pensée de Jean-François Revel conduira cette réflexion sur la société ouverte et ses nouveaux ennemis car il a été un des premiers a dénoncer l'apparition de ce nouveau totalitarisme protéiforme : "L'esprit totalitaire peut donc resurgir un jour prochain dans une nouvelle incarnation initialement inoffensive et vertueuse, un travestissement inédit derrière lequel très peu de physionomistes identifieront de prime abord le vieux visage messianique et maléfique de l'idéologie".

A suivre...

(Merci à ma chère épouse pour son aide précieuse dans la lecture et la synthèse du texte)


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