Obama, le messianisme anti-raciste
A quelques heures du vote américain, l'emballement des médias est perceptible. Comme en 2004 pour Kerry, tout le monde crie victoire et se félicite de l'élection quasi-certaine d'Obama.
Mais ce qui m'exaspère surtout, c'est la façon dont les médias français exploitent la question raciale. Un sondage nous annonce ce matin que 70 % des français sont prêts à élire un président noir. C'est le genre de question qui n'a aucun sens. Car le problème ce n'est pas la couleur de la peau, c'est le message politique porté par le candidat. Est-ce que 70 % des français voteraient pour un candidat noir ouvertement d'extrême gauche (ou d'extrême droite...) ? Certainement non.
En réalité, le but de ce genre de sondage, c'est de faire la promotion d'un multiculturalisme à l'américaine en stigmatisant le Français « blanc », assimilé à un raciste, et en valorisant le métis, l'Arabe ou le Noir, au nom de leur différence. Le problème, c'est qu'en valorisant les origines ethniques, on contribue à une « communautarisation » du lien social.
Pierre-André Taguieff explique que « le terme de communautarisme est utilisé, surtout en langue française (depuis les années 1980), pour désigner, avec une intention critique, toute forme d'ethnocentrisme ou de sociocentrisme, toute autocentration de groupe, impliquant une autovalorisation et une tendance à la fermeture sur soi, dans un contexte culturel dit postmoderne"où "l'ouverture", et plus particulièrement "l'ouverture à l'autre", est fortement valorisée ». (La république enlisée)
Pierre-André Taguieff explique que « le terme de communautarisme est utilisé, surtout en langue française (depuis les années 1980), pour désigner, avec une intention critique, toute forme d'ethnocentrisme ou de sociocentrisme, toute autocentration de groupe, impliquant une autovalorisation et une tendance à la fermeture sur soi, dans un contexte culturel dit postmoderne"où "l'ouverture", et plus particulièrement "l'ouverture à l'autre", est fortement valorisée ». (La république enlisée)
Autrement dit, la référence ethnique, tribale, communautaire a maintenant succédé à l'analyse de classe, qui fut celle du marxisme des années 50-60. L'effondrement de l'utopie marxiste et l'échec révolutionnaire, ont ouvert la voie à l'utopie immigrationniste et à l'idéologie antiraciste.
Comme l'avait envisagé Raymond Aron, prévoyant, dès 1952, l'écroulement du système et de l'idéologie marxistes, « les haines de race survivront aux distinctions de classe » (L'opium des intellectuels). Dans l'idéologie communiste, l'oppresseur avait le visage du bourgeois. Dans l'idéologie antiraciste, l'oppresseur a le visage du raciste, voire du nazi. Et comme en écho à Raymond Aron, Alain Finkielkraut en 2004 affirmait :
« L'antiracisme est devenu l'idéologie de notre temps. L'idéologie, disait Hannah Arendt, c'est un principe unique d'explication du monde. Hier, l'idéologie marxiste réduisait la réalité à la lutte des classes : tout était ramené à l'exploitation. Aujourd'hui, l'idéologie antiraciste réduit la réalité à la grande antithèse de la discrimination et des droits de l'homme: tout est ramené à l'exclusion."
Mais revenons à Obama pour finir. Il faut mettre un sérieux bémol à l''obamania hystérique de la plupart des occidentaux. Certes, le personnage est sympathique, attrayant, séduisant, et de ce point de vue c'est un bien meilleur candidat que son opposant. Mais ne soyons pas naïfs. L’universitaire Shelby Steele, chercheur sur les questions raciales à l’université Stanford (Californie), n’est pas loin de penser qu’Obama tire parti, presque de manière cynique, du désir de la majorité des Blancs d’effacer la tache originelle du racisme :
« Il dit qu’il transcende la question raciale et que c’est la raison pour laquelle il faut voter pour lui. Mais, par le simple fait d’énoncer cela, il démontre que toute sa campagne est précisément axée sur la question raciale. Quand il dit qu’il "ne voit pas une Amérique noire et une Amérique blanche, mais des Américains", c’est délibérément le message inverse qu’il veut faire passer. Si Barack Obama n’était pas noir, on ne connaîtrait probablement même pas son nom. Il propose une convergence entre sa peau noire et la présidence, et ses supporteurs applaudissent, car ils pensent que cette convergence sera rédemptrice pour les Etats-Unis, qu’il blanchira l’Amérique de son pire péché : le racisme. » Obama : un nouveau Messie à la Maison Blanche ?
« L'antiracisme est devenu l'idéologie de notre temps. L'idéologie, disait Hannah Arendt, c'est un principe unique d'explication du monde. Hier, l'idéologie marxiste réduisait la réalité à la lutte des classes : tout était ramené à l'exploitation. Aujourd'hui, l'idéologie antiraciste réduit la réalité à la grande antithèse de la discrimination et des droits de l'homme: tout est ramené à l'exclusion."
Mais revenons à Obama pour finir. Il faut mettre un sérieux bémol à l''obamania hystérique de la plupart des occidentaux. Certes, le personnage est sympathique, attrayant, séduisant, et de ce point de vue c'est un bien meilleur candidat que son opposant. Mais ne soyons pas naïfs. L’universitaire Shelby Steele, chercheur sur les questions raciales à l’université Stanford (Californie), n’est pas loin de penser qu’Obama tire parti, presque de manière cynique, du désir de la majorité des Blancs d’effacer la tache originelle du racisme :
« Il dit qu’il transcende la question raciale et que c’est la raison pour laquelle il faut voter pour lui. Mais, par le simple fait d’énoncer cela, il démontre que toute sa campagne est précisément axée sur la question raciale. Quand il dit qu’il "ne voit pas une Amérique noire et une Amérique blanche, mais des Américains", c’est délibérément le message inverse qu’il veut faire passer. Si Barack Obama n’était pas noir, on ne connaîtrait probablement même pas son nom. Il propose une convergence entre sa peau noire et la présidence, et ses supporteurs applaudissent, car ils pensent que cette convergence sera rédemptrice pour les Etats-Unis, qu’il blanchira l’Amérique de son pire péché : le racisme. » Obama : un nouveau Messie à la Maison Blanche ?
Commentaires
Je suis tout à fais d'accord avec vous mais tout à fait heureux qu'Obama ait pu être élu !
Je remarque quelques "dérives américanistes" en ce domaine pendant les journaux télévisés. Il était question récemment d'un suspect de "race blanche" dans une affaire de meurtre. Nos chers amis de TF1 auraient-ils osé dire de "race noire" si cela avait été le cas ? Je ne pense pas... Voici une tendance à l'américanisme que je ne constate pas pour la première fois. Désolant, cet emploi "régressif" du terme de "race" même après anglicisation, n'est-ce pas ? Je m'éloigne un peu de votre article, je m'en excuse... Revenons au sujet...
Certes Obama a su tiré largement partie de sa couleur de peau durant cette compagne, ce qui prouve avant tout, je pense, sa qualité de rhétorique. Il est parvenu à accumuler les votes des différents types de population, si l'on peut parler ainsi, y compris des blancs complexés par l'Histoire. J'ose espérer toute fois, que ce dernier ait été élu pour son opposition, si ce n'est pour ces idées, à la politique de Bush, ce qui, je l'avoue, suffit à me réjouir... La question que vous semblez poser est celle, plus généralement, de la "crédibilité", du système démocratique et de ses fondements. Encore une fois, nous avons, légèrement l'impression que les électeurs sont pris pour des boeufs... ou des moutons... enfin vous m'aurez compris. C'est bien une des limites du système que l'on peut déterminer aujourd'hui avec certitude. Encore heureux que la démocratie ne s'exerce "réellement" que pendant les élections. L'éducation est certainement un des meilleurs moyens pour parvenir à une démocratie digne de ce nom... mais j'imagine qu'aucun peuple ne saura un jour gouverner quelconque pays.
Je vois que votre blog est très axé sur la philosophie grecque et contemporaine... Pardonnez moi donc la suggestion suivante : la Voie politique a adopter ne devrait-elle pas s'inspirer des philosophies asiatiques, type Taoïsme ? J'aimerai vous lire à ce sujet.
Merci pour vos articles fort intéressant pour le citoyen, apprenti philosophe, que je suis.
Oui enfin le programme de John McCain n'était pas si éloigné de celui de Barack Obama. Ce n'est pas le programme de Barack Obama qui a suscité un tel engouement dans le monde. Il y a bien sûr le soulagement de voir partir l'équipe Bush. Mais ce n'est pas que cela, ce serait occulter la portée symbolique de l'élection d'un métis africain à la tête du pays le plus puissant du monde. Rappelons que l'Afrique était encore colonisée par les Blancs il y a cinquante ans, que la ségrégation était alors ouvertement pratiquée au sud des USA, que dans de nombreuses têtes noires et blanches, un préjugé d'infériorité existe aujourd'hui.
Sur la citation « les haines de race survivront aux distinctions de classe », j'ai l'impression qu'elle n'appuie pas votre propos. La haine des races n'est pas la haine des racistes, la haine des races, c'est la xénophobie. Et puis vous-même dîtes plus haut que ça n'a « aucun sens » d'affirmer que « 70 % des français sont prêts à élire un président noir », n'est-ce pas là une position antiraciste ? De plus, qu'est-ce qu'un antiraciste ? Quelqu'un qui nie l'existence des races ?