La psychanalyse en accusation

En ce moment, on parle beaucoup de la sortie du Livre noir de la psychanalyse. Le Nouvel Obs s'en est emparé publiant des extraits. Mais que trouve-t-on dans ces extraits censés donner un aperçu du livre ? Rien de nouveau.

On savait déjà que Freud n'avait pas guéri grand monde, on savait qu'il avait pillé nombre d'auteurs plus anciens et plus géniaux que lui.
Dans le Figaro Littéraire du 15 septembre, Paul-François Paoli écrit :

"De Platon à Schopenhauer en passant par Charcot et Pierre Janet, il n'aurait rien découvert, mais beaucoup pillé. Au fond, Freud serait un récupérateur de talent, un faiseur. Mais si la pensée de l'illustre Viennois est à ce point envahie par les intuitions géniales des autres, comment expliquer qu'elle soit, dans le même temps, si vaine et si erronée ? Etrange contradiction que ne résout pas l'ouvrage. Mais ce n'est pas tout. Non seulement Freud n'a rien pensé, mais en plus il s'en doutait. Au mieux, il fut un maquilleur des idées d'autrui, au pire un escroc. Et aussi un affairiste. Une fois compris que sa méthode lui servait à devenir célèbre, et à gagner beaucoup d'argent, il a exclu ses concurrents, persécuté Jung et Adler, domestiqué Ernst Jones et Ferenczi. Un monstre, ce Freud ! "


Et il poursuit :
"Le Livre noir de la psychanalyse : il fallait oser un tel titre après la dénonciation des crimes du communisme stalinien et ceux du colonialisme et voir, ainsi, la psychanalyse comme l'un des fléaux du siècle. Au long de huit cents pages, une vingtaine de spécialistes – certains très prestigieux au demeurant – nous expliquent la nocivité des techniques et de la pensée de Freud et de ses héritiers. Parmi ces contempteurs, des psychiatres comme Jean Cottraux, directeur de l'unité de traitement de l'anxiété au CHU de Lyon. D'anciens psychanalysés qui dénoncent leurs amours passées avec la virulence de la passion déçue, comme Jacques van Rillaer, professeur de psychologie à l'université de Louvain-la-Neuve, en Belgique. Des intellectuels de renom comme Isabelle Stengers, ou encore Tobie Nathan, représentant de l'ethnopsychiatrie en France. Mais aussi des chercheurs américains et européens, qui ont découvert les petits, et parfois gros "arrangements" de Freud avec la vérité dans telle ou telle affaire. Notamment, celle concernant la fameuse hystérique Anna O., qu'il n'aurait jamais guérie.
"Etre en phase avec l'air du temps serait-il devenu l'alpha et l'oméga de la pensée ? La psychanalyse a toujours été violemment attaquée. Elle a d'abord subi la réprobation spiritualiste et religieuse, qui l'accusa de détruire l'idée de l'enfance et de la pureté. Puis vint la réfutation libertaire, dans le sillage des années 68, autour de Reich, de Michel Foucault et de Gilles Deleuze, aujourd'hui de Didier Eribon. Freud et Lacan ne contrarient-ils pas la souveraineté du désir avec leur conception de la loi assortie d'interdits qui nous rappellent ceux de la religion ? Avec le livre dont nous parlons, c'est d'une récusation néoscientiste qu'il s'agit, avec, à la clé, un principe assez simple : il y a ce qui marche et ce qui ne marche pas, ce qui est efficace et ce qui échoue, ce qui soulage et ce qui améliore l'animal humain. Dans cette perspective, la psychanalyse est, au mieux, un luxe coûteux et inutile, au pire du vent. Mais qui décidera si celui-ci a tourné, ou s'il souffle encore ?... "


Freud est inscrit au programme de philosophie en terminale et la notion d'inconscient figure dans la liste des notions. Or ce qui retient l'attention du philosophe dans la psychanalyse, c'est moins sa valeur scientifique que sa pertinence philosophique. En effet, au-delà de son appareil conceptuel médico-scientifique, elle prétend énoncer un certain nombre de vérités sur l'humanité de l'homme en tant qu'homme. Elle nous place directement sur le terrain de l'essence de l'homme, sur le terrain de l'universel, du concept d'homme. Freud, dans les Nouvelles Conférences d'introduction à la psychanalyse, recommande son étude : " à cause de son contenu de vérité, à cause des lumières qu'elle nous donne sur ce qui concerne l'homme le plus directement, sur son être."
En un mot, la psychanalyse nous donne à penser parce qu'elle tente de répondre à l'antique injonction de Socrate : "connais-toi toi-même" et non parce qu'elle aurait une valeur scientifique quelconque.

Je renvoie à la lecture de Pourquoi la psychanalyse, d'Elisabeth Roudinesco (1999). Paris, Fayard. 197 pages.

Couverture et endos du livre:

Pourquoi consacrer tant de temps à la cure par la parole quand les médicaments, parce qu'ils agissent directement sur les symptômes des maladies nerveuses et mentales, donnent des résultats plus rapides? Les théoriciens du cerveau-machine n'ont-ils pas réduit en cendre les chimériques constructions freudiennes? Dans ces conditions, la psychanalyse a-t-elle un avenir?

C'est à ces trois questions qu'Élisabeth Roudinesco répond dans cet essai combatif, informé, résolument critique des prétentions contemporaines à convertir la science en religion et à regarder l'homme comme un automate.

Les médicaments? Chacun sait que la France fait grande consommation de psychotropes pour soigner l'angoisse, la dépression, la folie, les névroses, et on ne saurait nier leur efficacité. Faut-il pour autant réduire la pensée à un neurone et confondre le désir avec une sécrétion chimique?

Un siècle d'existence et la psychanalyse est plus que jamais contestée. Pour ses adversaires les plus virulents, les neurobiologistes, les processus intellectuels et psychiques seraient entièrement réductibles à des connections neuronales ou de sécrétions chimiques cérébrales. Qu'un conflit psychique induise un dérèglement chimique n'invalide en rien les théories freudiennes. Dès lors, c'est dans l'évolution sociale qu'il faut chercher ce discrédit de la psychanalyse. Laquelle n'est plus adaptée à la société actuelle: une société qu'Elisabeth Roudinesco qualifie de dépressive, et où l'homme, qui n'est plus évalué qu'à l'aune de sa rentabilité, se trouve dépossédé de la profondeur et du sens de ses passions.


Le Livre noir de la psychanalyse
sous la direction de Catherine Meyer
Editions les Arènes, 830 p., 29,8O €.

Commentaires

Anonyme a dit…
> qui n'est plus évalué qu'à l'aune de sa rentabilité, se trouve dépossédé de la profondeur et du sens de ses passions.

La question serait de savoir si le dispositif de la cure psychanalytique n'est pas le plus sur moyen de déposséder quelqu'un du sens de ses actes et de ses énoncés (voir le livre de Nathan Stein, La fiction psychanalytique, Mardaga.

Ou encore, ne conviendrait-il pas de tracer des frontières nettes entre direction de conscience, médécine du système nerveux, et métaphysique, sans faire une confusion entre tout ces domaines.
Anonyme a dit…
On pourra consulter un dossier de presse complet sur le site de l'éditeur du livre noir.

http://www.arenes.fr/livres/fiche-livre.php?numero_livre=119
Anonyme a dit…
"qui n'est plus évalué qu'à l'aune de sa rentabilité, se trouve dépossédé de la profondeur et du sens de ses passions"

un peu sommmaire
je vous renvoie au livre l'écoute de M. Bellet pour ma part.
car l'évaluation de l'écoute (ce que ne peut concevoir Cottraux) d'une prend du temps et de deux pose elle la question du sens de la vie au niveau du moi. La métaphysique le fait au niveau de l'être. les deux sont necessaires.
doit-on pour autant tracer des frontières? nettes? au contraire je dirai. alors sûr bcp de psychanalistes ne l'ont peut-être pas saisi. et ceux qui croit possible, et necessaires un tel rapprochement s'expose bcp à des critiques comme les formule mr N. Stein apparemment; c'est bien sûr, pour moi, l'un des plus sûrs moyens.

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