Rufin : "sans humanité, l'écologie peut déraper"


Jean-Christophe Rufin vient de publier "Le parfum d'Adam", un thriller qui s'en prend à l'écologie "radicale"

Pologne, printemps 2005. Juliette, jeune française, libère des animaux de laboratoire. Cette action militante va l'entraîner au coeur de l'écologie radicale... Des territoires indiens d'Amérique aux ghettos pour milliardaires du Lac Léman, ce roman explore le monde de l'écologie radicale consitutant selon le FBI la deuxième source de terrorisme mondial.

Un roman immédiatement salué par le succès : le livre se classe cette semaine en neuvième place des ventes de romans selon Livres Hebdo.

Le romancier y dénonce les dérives d'un possible "terrorisme" vert, alors que l'écologie n'a jamais eu autant le vent en poupe.

Docteur en médecine, diplômé de l’Institut d’études politiques, il possède une connaissance de l'intérieur de l'humanitaire : président d’Action Contre la Faim, ancien administrateur de la Croix Rouge Française et ancien vice-président de Médecins Sans Frontières, il a passé plus de vingt ans de sa vie pour les ONG au Nicaragua, en Afghanistan, aux Philippines, au Rwanda et dans les Balkans. Cette expérience du terrain l'a conduit à examiner le rôle des ONG dans les situations de conflit, notamment dans l'essai Le Piège humanitaire (1986), et dans son troisième roman, Les Causes perdues (1999).
Aujourd'hui, toujours médecin humanitaire actif, restant président d'honneur de cette ONG et se consacre à l'écriture.

Interview ci-dessous de Jean-Christophe Rufin, qui retrace aussi dans ce livre une histoire des services de renseignements depuis la guerre froide, et leur "privatisation" partielle, du moins aux Etats-Unis.

. Dans "Le parfum d'Adam", vous dénoncez les mouvements écologistes radicaux. Dans une interview au "Monde 2", vous avez dit que le FBI considère l'écologie radicale comme la deuxième menace après le fondamentalisme islamiste. Pouvez-vu étayer votre propos plutôt à contre-courant, alors que l'écologie a le vent en poupe ?

Je ne suis pas à contre courant de l’écologie, que je considère comme un mouvement de pensée nécessaire, particulièrement aujourd’hui. J’ai seulement voulu faire découvrir au lecteur français d’autres formes d’ écologies que la nôtre et rappeler que sans humanité, l’écologie peut déraper et devenir une idéologie meurtrière.

. Le héros du "Parfum d'Adam" est un espion médecin qui travaille dans l'humanitaire. Vous êtes médecin, avez travaillé dans l'humanitaire -vous êtes toujours président d'honneur d'"Action contre la faim". Avez-vous rencontré des espions dans ce milieu ? Comment connaissez-vous les milieux du renseignement, dont vous parlez si bien dans ce livre (en retraçant leur évolution récente et notamment leur sous-traitance au privé aux Etats-Unis) ?

J’ai été conseiller du ministre de la défense, chargé des opérations de maintien de la paix. A ce titre, j’ai été chargé de missions secrètes, notamment dans le cadre de libérations d’otages. J’ai noué des amitiés durables dans les milieux du renseignement et, à travers l’exemple concret de plusieurs agents, j’ai pu suivre leur évolution. Ce livre tente de construire une version moderne du roman d’espionnage post-guerre froide. Les agences nationales sont aujourd’hui largement contraintes de « sous-traiter » et il m’a semblé intéressant de prendre comme héros ces « espions privés » qui se multiplient aujourd’hui et jouent un rôle décisif.

. Vous voulez visiblement secouer l'opinion. Quel message voulez-vous faire passer ?

Je voudrais, encore et toujours, rappeler qu’il n’y a pas un seul monde mais deux : le nôtre et celui des pays pauvres. Le regard que nous portons sur le tiers-monde a changé. L’exigence de sécurité est en train de remplacer l’exigence de justice. Nous sommes confronté à un glissement des mentalités : la lutte contre la pauvreté fait place à la guerre contre les pauvres. Cette voie est sans issue. Il est temps d’en prendre conscience.

Anne BRIGAUDEAU (France 2)
Publié le 22/01

Vous pouvez écouter J.C. Rufin dans les Matins de France Culture le 10 janvier 2007 (mp3) :
1ère partie
2ème partie

A signaler aussi l'excellent livre de Luc Ferry, Le Nouvel Ordre Ecologique (Livre de poche) qui explore les soubassements philosophiques des courants écologiques et met au jour leur anti-humanisme. L’exaltation et la fétichisation de la nature agressée par un seul animal, l'homme, va jusqu'à retirer à ce dernier l'attribut de sujet, par exemple quand il est question d'élaborer les droits des animaux ou de déclarer les droits de la Nature (et non pas pour la nature) c'est-à-dire de leur attribuer une personnalité juridique.

Enfin, il faut savoir que certains scientifiques s'élèvent contre la dramatisation écologique à outrance, comme l'économiste danois Bjorn Lomborg ou le géographe français Georges Rossi, professeur à l'Université de Bordeaux 3
. Ils publient des ouvrages polémiques qui vont à l'encontre de la plupart des idées défendues par la communauté scientifique. Pour ces deux auteurs, en effet, la litanie des nuisances écologiques qui est souvent mise en avant n'est fondée sur aucun fait précis et ne tient pas compte de nouvelles avancées scientifiques, et l'économie de marché apporte elle-même les correctifs à la dégradation du milieu naturel.

Pour Georges Rossi, "l'environnement est devenu un nouvel instrument de régulation politique et économique à l'échelle mondiale, entre les mains des plus riches. (…). Un alibi des pays nantis pour entraver le développement des pays du Sud" .
Après le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, le discours des dirigeants africains était à peu près celui-ci :
" Laissez-nous polluer un peu pour nous développer…"

Lire ici une interview de Rufin à propos de son roman Globalia qui aborde un problème connexe, celui de la tyrannie démocratique, tyrannie exercée au nom de la différence, du respect des identités, des droits de chacun et de la liberté d'expression. Bref, après le fanatisme des droits de l'homme, Rufin aborde dans son dernier livre, le fanatisme des droits de la nature. Bien vu !

Commentaires

Anonyme a dit…
Moi, l'effet de serre, la couche d'ozone, j'avoue que j'avais pas toujours tout bien compris. Jusqu'à ce que je tombe sur le blog www.thedino.org
Y'a toute une série d'articles (des "leçons") qui expliquent l'énergie éolienne, les 4X4...
Ca s'appelle "Ecologie pour les nuls". C'est marrant et super bien fait.
Anonyme a dit…
Rufin signe un roman qui fera mouche chez tous ceux qui ne connaissent pas la mouvance écologiste radicale et irritera ceux qui se sont documentés par eux même. Si les écolos radicaux sont considérés comme la deuxième menace terroriste par le FBI, ça n'est certainement pas par ce qu'il veulent s'en prendre aux populations des pays pauvres!! mais bien parce qu'ils remettent en cause le système économique des pays développés (Etats Unis en tête) qui est basé sur le profit à court terme et l'exploitation effrénée des ressources naturelles de la planète. 10 africains, ont moins d'impact sur la nature qu'un seul américain! Bien que la surpopulation puisse devenir un problème, la cause première de la destruction de la nature, ça n'est pas tant le nombre, mais le mode de vie, d'une minorité de riches qui saccagent tout, au détriment du plus grand nombre. Rufin dit s'être inspiré de Paul Watson, qui a co fondé Greenpeace, et s'en ai détaché pour fonder Seashepherd, organisation qu'il décrit comme terroriste et criminelle. Il accuse Watson d'avoir tué des gens pour sauver des baleines. Auriez vous osé tenir de tels propos diffamatoires aux Etats Unis monsieur Rufin, où Watson est beaucoup plus connu qu'en France??
Il se trouve que Seashepherd est une organisation d'intervention qui fait appliquer la loi internationale en matière de protection de la vie marine, quand il n'y a aucune volonté politique de le faire. Depuis 30 ans, Watson agit sous l'égide de la charte mondiale pour la Nature des Nations Unies, qui autorise toute Association ou particulier à ffaire appliquer la loi environnementale. Watson n'a JAMAIS, blessé, ni tué qui que soit (contrairement aux mensonges de Rufin qui ne recule devant rien pour la promo de son livre). Par le biais de son organisation, il a coulé à quai, et avec personne à bord, des baleinniers illégaux, qui se faisaient des millions en tuant des baleines en voie de disparition et dont toute chasse était interdite!
Vous avez le droit de vos opinions Monsieur Rufin, mais de grâce, ne diffamez pas pour servir votre vision manichéenne et anthropocentrique des choses.

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