In memoriam Steve Jobs, un John Galt parmi d'autres

Parmi les hommages rendus à Steve Jobs, j'ai noté cet extrait d'un article d'Emmanuel Martin dans le Bulletin d'Amérique :


La créativité entrepreneuriale dépend des institutions de la liberté

La mort de Steve Jobs nous invite par ailleurs à réfléchir aux conditions qui ont permis à ce « cadeau », que l’inventeur américain a représenté, d’avoir pu laisser s’épanouir sa créativité. Combien de centaines, combien de milliers de Steve Jobs empêche-t-on de créer, d’innover, de rendre service, de « changer la vie », dans de si nombreux pays, notamment en Afrique ? C’est ici le concept de terreau institutionnel qui est crucial pour le développement, fondé essentiellement sur l’activité entrepreneuriale : sans les institutions promouvant la liberté économique, le potentiel entrepreneurial de créativité d’un Steve Jobs ne pourrait s’exprimer. Nous prenons trop souvent la créativité et l’innovation de nos entrepreneurs pour acquises. Nous oublions trop facilement que c’est bien l’environnement institutionnel favorable à cet esprit d’entreprise qui nous a permis d’avoir un Iphone dans la poche ou d’enregistrer nos compositions musicales dans « GarageBand » sur un MacBook.

Ces réflexions pourraient inspirer les manifestants qui défilent devant Wall Street en demandant la fin du capitalisme et le retour du socialisme, en confondant malheureusement le capitalisme de copinage (le crony capitalism qui n’est autre qu’un « socialisme pour les riches » comme l’a bien décrit le cinéaste Michael Moore), qu’il faut bien sûr combattre, avec le vrai capitalisme de marché libre et responsable, fondé sur les institutions de liberté, et qui nous a donné des Steve Jobs. Faut-il rappeler que le socialisme réel a toujours supprimé non seulement les libertés politiques mais aussi économiques, et donc supprimé la démocratie comme la créativité du marché, générant oppression et misère ?

En cette période de crise, durant laquelle les dangereuses tendances nationalistes et collectivistes se manifestent toujours davantage, il est sans doute salutaire de se rappeler les avantages de ce qu’Adam Smith appelait « le système de liberté », qui nous a donné Apple et tant d’autres miracles.


A lire aussi, le testament de Steve Jobs, dans son allocution à Stanford en 2005 :

Je n’ai jamais terminé mes études supérieures.

J’ai abandonné mes études au Reed College au bout de six mois, mais j’y suis resté auditeur libre pendant dix-huit mois avant de laisser tomber définitivement.

La décision la plus risquée, mais rétrospectivement c’est un des meilleurs choix que j’aie jamais faits. Dès le moment où je renonçais, j’abandonnais les matières obligatoires qui m’ennuyaient pour suivre les cours qui m’intéressaient.

Tout n’était pas rose. Je n’avais pas de chambre dans un foyer, je dormais à même le sol chez des amis. Je ramassais des bouteilles de Coca-Cola pour récupérer le dépôt de 5 cents et acheter de quoi manger, et tous les dimanches soir je faisais 10 kilomètres à pied pour traverser la ville et m’offrir un bon repas au temple de Hare Krishna. Un régal.

Et ce que je découvris alors, guidé par ma curiosité et mon intuition, se révéla inestimable à l’avenir. Laissez-moi vous donner un exemple : le Reed College dispensait probablement alors le meilleur enseignement de la typographie de tout le pays. Je décidai de m’inscrire en classe de calligraphie. J’étais fasciné.
Rien de tout cela n’était censé avoir le moindre effet pratique dans ma vie. Pourtant, dix ans plus tard, alors que nous concevions le premier Macintosh, cet acquis me revint. Et nous l’incorporâmes dans le Mac. Ce fut le premier ordinateur doté d’une typographie élégante. Si je n’avais pas suivi ces cours à l’université, le Mac ne posséderait pas une telle variété de polices de caractères ni ces espacements proportionnels. Et comme Windows s’est borné à copier le Mac, il est probable qu’aucun ordinateur personnel n’en disposerait. Si je n’avais pas laissé tomber mes études à l’université, je n’aurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels n’auraient peut-être pas cette richesse de caractères. Naturellement, il était impossible de prévoir ces répercussions quand j’étais à l’université. Mais elles me sont apparues évidentes dix ans plus tard.

On ne peut prévoir l’incidence qu’auront certains évènements dans le futur ; c’est après coup seulement qu’apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer qu’ils joueront un rôle dans votre avenir. L’essentiel est de croire en quelque chose – votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marché pour moi, et elle a régi ma vie.

Tout cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas été viré d’Apple. La potion fut horriblement amère, mais je suppose que le patient en avait besoin.

Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c’est mon amour pour ce que je faisais qui m’a permis de continuer. Il faut savoir découvrir ce que l’on aime et qui l’on aime. Le travail occupe une grande partie de l’existence, et la seule manière d’être pleinement satisfait est d’apprécier ce que l’on fait. Sinon, continuez à chercher. Ne baissez pas les bras. C’est comme en amour, vous saurez quand vous aurez trouvé. Et toute relation réussie s’améliore avec le temps. Alors, continuez à chercher jusqu’à ce que vous trouviez.

A l’âge de 17 ans, j’ai lu une citation qui disait à peu près ceci : « Si vous vivez chaque jour comme s’il était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle m’est restée en mémoire et, depuis, pendant les trente-trois années écoulées, je me suis regardé dans la gla-ce le matin en me disant : « Si aujourd’hui était le dernier jour de ma vie, est-ce que j’aimerais faire ce que je vais faire tout à l’heure ? » Et si la réponse est non pendant plusieurs jours à la file, je sais que j’ai besoin de changement.

Avoir en tête que je peux mourir bientôt est ce que j’ai découvert de plus efficace pour m’aider à prendre des décisions importantes. Parce que presque tout – tout ce que l’on attend de l’extérieur, nos vanités et nos fiertés, nos peurs de l’échec – s’efface devant la mort, ne laissant que l’essentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre son cœur.

Il y a un an environ, on découvrait que j’avais un cancer. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre mes affaires en ordre, ce qui signifie : « Préparez-vous à mourir. » Ce qui signifie dire à ses enfants en quelques mois tout ce que vous pensiez leur dire pendant les dix prochaines années. Ce qui signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. En bref, faire vos adieux.
J’ai vécu avec ce diagnostic pendant toute la journée. Plus tard, j’ai appris que c’était une forme très rare de cancer du pancréas, guérissable par la chirurgie. On m’a opéré et je vais bien.
Ce fut mon seul contact avec la mort, et j’espère qu’il le restera pendant encore quelques dizaines d’années. Après cette expérience, je peux vous le dire avec plus de certitude que lorsque la mort n’était pour moi qu’un concept purement intellectuel : personne ne désire mourir. Même ceux qui veulent aller au ciel n’ont pas envie de mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux. C’est le facteur de changement de la vie. Elle nous débarrasse de l’ancien pour faire place au neuf. En ce moment, vous représentez ce qui est neuf, mais un jour vous deviendrez progressivement l’ancien, et vous laisserez la place aux autres. Désolé d’être aussi dramatique, mais c’est la vérité.

Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.

Soyez insatiables. Soyez fous. C’est le vœu que j’ai toujours formé pour moi. Et aujourd’hui, au moment où vous recevez votre diplôme qui marque le début d’une nouvelle vie, c’est ce que je vous souhaite.

Soyez insatiables. Soyez fous.

Merci à tous.

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