Séparer le mariage traditionnel de l’État
Après la séparation de l’Église et de l’État, allons jusqu’au bout et revendiquons sans crainte la séparation du mariage et de l’État.
Les partisans du « mariage pour tous » ont tendance à identifier leur combat avec celui de la liberté individuelle. Malheureusement, c’est exactement le contraire. La redéfinition du mariage par l’État menace gravement les libertés individuelles. Si vous n’êtes pas d’accord avec cette redéfinition du mariage, quand celle-ci sera imposée par la loi, aurez-vous le droit de le dire ? Les églises ou les communautés qui ne reconnaissent pas le « mariage » homosexuel ne seront-elles pas passibles de pénalités et ne feront-elles pas l’objet de poursuites judiciaires fondées sur des lois anti-discrimination ? Allons plus loin, une telle redéfinition du mariage signifie en réalité la négation du mariage traditionnel fondé sur la différence sexuelle, protection irremplaçable et inestimable de l’enfant. Or, au nom de quoi un groupe d’intérêt particulier pourrait-il exiger, avec l’appui de l’État, qu’on détruise une institution de droit naturel ? Le « mariage pour tous » n’est rien d’autre qu’une forme de constructivisme ou d’ingénierie sociale visant à réinventer une structure millénaire. De ce point de vue il faut se rendre à l’évidence, l’État ne protège pas la famille, il en est le véritable fossoyeur.
La police de la pensée homosexuelle
On peut parler de dérive totalitaire quand on observe la police de la pensée homosexuelle à l’œuvre au Canada et aux États-Unis. Six États américains, dont New-York, on légalisé le « same-sex marriage ». Récemment, plusieurs médias aux États-Unis ont comparé ceux qui s’opposent au mariage des homosexuels à ceux qui, au XIXème siècle, étaient en faveur de l’esclavage et ceux qui, au XXe siècle, s’opposaient à la déségrégation. La diabolisation est en marche. Bien entendu de telles accusations sont parfaitement mensongères. Depuis des décennies, les couples de même sexe ont déjà obtenu toutes les libertés auxquelles ils avaient droit. Ils ont parfaitement le droit de revendiquer publiquement leur orientation sexuelle et de former n’importe quel type d’arrangement juridique de leur choix. S’ils veulent appeler leur contrat un mariage, ils ont toute liberté de le faire. Ils sont également libres de se marier dans le sens traditionnel du terme. Rien n’interdit à un homme gay de se marier à une femme ou à une lesbienne de se marier à un homme. Le mariage traditionnel n’est pas interdit aux homosexuels que je sache.
Bien entendu le mariage, ainsi compris, n’est pas ouvert à des couples de même sexe. La raison en est simple : il est défini par l’engagement d’un homme et d’une femme à fonder une famille. Partant de là, le mariage est ouvert à tous les adultes consentants et sans aucune exclusion. Ainsi parler d’atteinte aux droits des homosexuels est une escroquerie intellectuelle. C’est aussi absurde que si on plaignait que les clubs de nudistes violent les droits des porteurs de maillots. Car il est dans la définition même des clubs de nudistes de ne pas accepter les porteurs de maillots. Dès lors, ces derniers doivent-ils faire interdire les clubs de nudistes au motif que ceux-ci les excluent ? Ou bien faut-il que les porteurs de maillots exigent de l’État que l’appellation nudiste ne soit pas réservée aux seuls nudistes mais soit ouverte à tous ?
Alors au nom de quoi ceux qui choisissent de ne pas se marier au sens traditionnel du terme, pour des raisons personnelles, devraient-ils exiger de la loi l’abolition du mariage traditionnel ? Encore une fois, c’est aussi absurde et injuste que si un groupe d’individus bien organisés, détestant l’orthographe, revendiquait l’abolition de ses règles au profit d’une sorte de novlangue parlée par quelques illuminés et qui serait imposée à tous.
Mais le projet totalitaire des lobbies LGBT1 ne s’arrête pas là. En Amérique du Nord, le soutien au mariage traditionnel peut désormais être passible de graves sanctions.
C’est le cas d’un photographe au Nouveau-Mexique, qui a été condamné à verser une amende de 7 000 $ pour avoir refusé de photographier un mariage lesbien, ou bien celui du service de rencontres eHarmony, qui a été forcé d’accueillir des homosexuels sous peine d’une amende de 2 millions de dollars. C’est encore le cas de la chaîne de restauration Chick-fil-A, qui a été forcée d’abandonner son soutien à des organisations soutenant le mariage traditionnel pour obtenir l’approbation du syndicat des restaurants de Chicago.
« La redéfinition du mariage par l’État menace gravement les libertés individuelles. »
Récemment, Frank Turek, un employé de la firme Cisco, a été licencié pour la publication d’un livre intituléCorrect, not Politically Correct: How Same-Sex Marriage Hurts Everyone. Turek, employé modèle, ne parlait jamais de ses opinions religieuses ou politiques au travail. Il a été victime d’une plainte d’un autre employé qui avait vu son livre en tapant son nom sur Google.
Mais c’est aussi la liberté religieuse qui est gravement menacée. Récemment encore, Damian Goddard, un journaliste sportif de l’émission « Connected » sur la chaîne canadienne de langue anglaise Sportsnet, a été licencié pour avoir déclaré son opposition au mariage homosexuel. Dans un tweet, il avait écrit : « Je soutiens entièrement et de tout cœur Todd Reynolds et sa défense du sens traditionnel et authentique du mariage ». Le porte-parole de Sportsneta déclaré :« Damian Goddard ne convient plus à notre entreprise ». Goddard a déposé une plainte auprès de la Canadian Human Rights Commission contre son ancien employeur. Dans un communiqué il affirme qu’il est victime de discrimination pour avoir défendu ses convictions catholiques. Et l’avocat de Goddard précise que son droit fondamental à la liberté d’expression et à la liberté religieuse ont été violés.
Aux États-Unis, dans les États qui ont légalisé les unions civiles ou le mariage homosexuel, des agences d’adoption catholiques ont été fermées ou ont perdu leur statut d’exonération fiscale pour avoir refusé de laisser les couples homosexuels adopter des enfants. Dans l’Illinois, le gouverneur Pat Quinn a confirmé une décision de l’Illinois Department of Children and Family Services de ne pas renouveler ses contrats avecl’institut Catholic Charities, invoquant la loi de l’État qui reconnaît les unions homosexuelles.
Le droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs propres convictions est aussi menacé. En Californie, le gouverneur Jerry Brown a signé une loi qui est entrée en vigueur en janvier 2012 et qui exige que les écoles publiques ajoutent des leçons sur l’histoire des gays dans leurs classes d’études sociales. Cette loi, intitulée SB48, fait obligation d’inclure dans les manuels d’histoire destinés aux élèves, dès la maternelle, collégiens et étudiants des établissements d’enseignement public de l’État, les « importantes contributions » des homosexuels, bisexuels et transgenres à la société américaine. D’autres États ont intégré l’agenda homosexuel dans leurs programmes.
Dans tous ces cas, la loi a été utilisée par des groupes de pression homosexuels pour contraindre les autres à accepter leurs choix de vie. Si la « liberté » signifie maintenant le pouvoir de contraindre les gens à agir contre leur conscience, alors même qu’il existe des alternatives disponibles parfaitement raisonnables, autant dire que le mot « liberté » est complètement vidé de son sens.
L’autre ennemi de la famille : l’État-providence
Tout comme l’État n’a pas compétence pour redéfinir nos droits en tant qu’individus, il n’a pas le pouvoir de redéfinir le mariage, a fortiori dans le seul but de satisfaire aux exigences d’un groupe d’intérêt.
A ce stade, une analyse purement hayekienne peut être appliquée au mariage. Selon Hayek, les traditions morales et culturelles spontanées sont des institutions fondamentales qui ont survécu à travers les siècles. Du fait qu’elles ont survécu, elles doivent très probablement avoir une importante fonction sociale, de sorte que nous devons éviter de les manipuler, surtout si nous ne savons pas toujours précisément quelle est leur fonction. Les modifications apportées à ces institutions ne sont pas absolument exclues, mais elles doivent toujours être effectuées avec prudence, à titre provisoire et de manière parcellaire. En tout cas, le fardeau de la preuve en revient toujours aux innovateurs et non aux conservateurs de la tradition. Certains changements peuvent en effet se révéler bénéfiques, permettant à la société dans laquelle elles ont lieu de s’épanouir et de surpasser ses concurrents, mais d’autres pourraient bien s’avérer dangereuses et inefficaces, de sorte que la société qui abandonne ses traditions peut, dans le pire des cas, se dissoudre ou s’effondrer.
Mais allons plus loin. J’entends l’argument de ceux qui disent que, le mariage étant un contrat de droit naturel pré-politique, l’État doit simplement le reconnaître et le protéger, comme l’ensemble des droits fondamentaux. Beaucoup de conservateurs s’en tiennent là et voient dans l’État leur meilleur allié. A ceux-là je réponds que c’est un leurre et que l’État-providence est aujourd’hui le plus grand fossoyeur du mariage. Ainsi par exemple, la légalisation du divorce sans faute, autorisant une partie à abroger le contrat de mariage sans pénalité et sans considération pour l’autre partie, a complètement détruit l’idée de contrat de mariage. Pire, le Léviathan a sapé depuis bien plus longtemps encore les deux autres éléments constitutifs de la famille : l’autorité des parents et la propriété privée.
L’autorité des parents s’exerce par l’éducation. La production des attitudes morales et des comportements vertueux provient de la famille. C’est en son sein que les enfants apprennent aussi à réfléchir de façon critique, à exercer leur liberté et leur responsabilité. De façon plus générale, la famille est une organisation économique beaucoup moins coûteuse que les services publics. Or L’État-providence, la nouvelle religion civile du monde moderne, est une institution collectiviste monopolistique qui exclut par principe toute concurrence. Ainsi, au nom du bien, il exige de ses citoyens une pensée conformiste et parfaitement normalisée. Pour ce faire il a mis en place un monopole de l’éducation, s’assurant que les professeurs n’enseignent que les programmes dictés par la loi. Pour ne rien laisser passer, il a mis aussi en place des garderies subventionnées, retirant les plus jeunes enfants à la garde de leur mère. En pratique, le droit fondamental des parents d’éduquer leurs enfants, selon leurs propres convictions, n’existe plus car le lavage des cerveaux, qui commence au berceau, est permanent.
« L’État ne protège pas la famille, il en est le véritable fossoyeur. »
Tout cela ne serait pas grand chose si le droit de propriété protégeait encore les familles contre les empiètements du pouvoir. Mais c’est précisément pour limiter au maximum ce droit de propriété que l’État-providence a mis en place une fiscalité confiscatoire. L’épargne est taxée, quand elle n’est pas insidieusement et volontairement détruite par l’inflation. Quant au patrimoine, il est rendu quasiment intransmissible aux enfants. Or sans héritage, les enfants ne peuvent pas prendre soin de leurs parents correctement. Ainsi, c’est toute la solidarité entre les générations qui est disloquée. Isolées, désunies, appauvries de toutes les façons possibles, les familles ne peuvent que tout attendre de l’assistance de l’État et des services publics2.
Que faire alors dans ce contexte ? Exiger le démariage civil
N’attendons pas de la loi qu’elle protège la personne, la liberté, la propriété ou le mariage. Comme le faisait déjà remarquer Hayek, à la suite de Bastiat, « jamais, en vérité, au cours de l’histoire entière, les gouvernements n’ont été comme aujourd’hui dans la nécessité de se plier aux desiderata spéciaux d’un grand nombre d’intérêts particuliers ». Et il ajoutait : « Le résultat de cette évolution est que le concept de loi, lui-même, a perdu toute signification. » (Droit, législation et liberté). La défense du mariage traditionnel doit se faire désormais par les institutions sociales ou la société civile (églises, associations) et non plus par la contrainte de la loi. Quand la loi prétend établir tel ou tel modèle de vie, il en résulte une lutte entre des factions qui veulent se l’approprier pour leur propre compte. Il en fut ainsi quand la loi établissait le christianisme comme religion d’État. On a vu le résultat : la lutte des anticléricaux pour s’emparer du pouvoir et faire des lois antireligieuses. Il se passe la même chose aujourd’hui pour la famille. La loi défendait la famille traditionnelle. Résultat : des groupes de pression s’en emparent pour établir des lois anti-famille.
Concrètement, les chrétiens et les juifs, qui sont à peu près les seuls à dénoncer la supercherie3, devraient considérer le « mariage pour tous » comme une rupture unilatérale de contrat entre les églises et l’État et annoncer qu’elles ne seront plus tenues de respecter leurs engagements. En effet, l’État interdit aux églises de marier leurs fidèles avant qu’ils soient passés devant le maire pour le mariage civil. Cet interdit était respecté par les églises sur la base d’un compromis avec l’État autour de la définition traditionnelle du mariage. A partir du moment où l’État redéfinit le mariage pour l’appliquer aux LGBT, le contrat est rompu. Dès lors, les églises devraient de facto se sentir déliées de toute obligation légale et boycotter le mariage civil c’est-à-dire revendiquer leur droit de marier qui elles veulent et quand elles veulent, sans autorisation.
De même, on peut parfaitement envisager que les gens mariés civilement, fassent une demande de « démariage civil » à la mairie où elles ont signé leur contrat. Encore une fois, le mariage ayant changé de nature, le contrat sera caduc et pourra être dénoncé par tout un chacun comme nul et non avenu.
Après la séparation de l’Église et de l’État, allons jusqu’au bout et revendiquons sans crainte la séparation du mariage et de l’État. Il en va de l’avenir de la famille et de la liberté dans ce pays.
Notes :
1. LGBT : lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres… Il faut faire une distinction entre ce mouvement culturel, profondément liberticide, et les personnes qui vivent avec une préférence sexuelle particulière. Les attaques doivent toujours porter sur les idées, jamais sur les personnes.
2. Pour ceux qui voudraient des développements, je renvoie à Philippe Nemo, La France aveuglée par le socialisme.
3. Le grand rabbin de France a publié un texte très argumenté sur le sujet, sans doute l’un des plus convaincants.
Lire aussi :
DOCUMENT | Deux catholiques ont décidé de se marier sans passer devant M. le maire
Ron Paul et l’avortement, par Damien Theillier
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Commentaires
Il y a beaucoup de bons arguments dans cet article que je ferai miens et pour lesquels je vous remercie de votre réflexion.
En revanche, je trouve que vous exposez ces arguments "logiques" à la faiblesse d'autres arguments.
Par exemple, le passage sur les atteintes à la liberté d'expression me semble assez faible. En effet, qu'on ait tort ou raison sur une question, on peut vouloir interdire la contradiction. Le fait qu'on cherche à limiter le droit à l'expression d'autrui ne prouve pas qu'on soit dans l'erreur. N'importe quel défenseur du mariage gay pourra se désolidariser de ces atteintes et alors cet argument ne pourra plus lui être opposé au nom du libéralisme. Les comportements de parties du groupe ne peuvent être reprochés au groupe entier. Cela me semble un principe essentiel à la fois au débat intellectuel et un élément central de l'individualisme libéral.
Quant à l'existence ou non du mariage civil, je serais curieux de connaître votre avis sur l'argument selon lequel le mariage ne serait pas seulement un contrat entre les mariés, mais une délégation des pouvoirs régaliens de l'Etat aux parents vis-à-vis des enfants. Si on voit le mariage comme ça, il semble logique qu'il ait une forme étatique.
Du point de vue strictement chronologique, est-ce vrai que le mariage (disons la famille stable) précède le politique. Franchement, cela ne me paraît en rien évident. Faudrait voir ce qu'en disent les anthropologues.
Du point de vue allégorique, les droits des parents vis-à-vis des enfants précèdent-ils le politique ? A nouveau, pas sûr. Qu'est-ce qui fait qu'un homme a plus d'autorité sur un enfant qu'un autre au prétexte qu'il est son père, ou le compagnon de sa mère ? Ce prétexte pourrait être qualifié de totalement contingent relativement aux intérêts de l'enfant. Aussi cette prérogative aux parents est-elle naturelle ou accordée par la meute de manière pragmatique ? J'ai du mal à donner une réponse absolue de principe à cette question.