Thoreau et le devoir de Désobéissance Civile
Les
citoyens doivent-ils obéir à des décisions que tout désigne comme des « lois
injustes » ? Nombreux sont les grands penseurs et les mouvements de citoyens à
avoir répondu « non ». Ce « non » est à l’origine de la désobéissance civile
qui encourage à refuser d’obéir à une loi injuste et à chercher à changer cette
loi par des moyens non-violents.
Pratiquement
tous les philosophes politiques ont proclamé que les lois injustes n’étaient
pas contraignantes et ont prôné la résistance et la désobéissance civile. Parmi
eux, citons saint Thomas d’Aquin, Francisco Suarez, John Locke, Thomas
Jefferson, Edmund Burke, Mahatma Gandhi et Martin Luther King Jr.
Le
plus précis dans l’exposé de cette doctrine est Henry David Thoreau dans son
essai sur Le devoir de Désobéissance
Civile, 1849 :
"Si l'injustice fait partie des frottements nécessaires de la machine du gouvernement, alors qu'on la permette ; elle s'estompera peut-être – en tout cas, la machine tombera en panne. Si l'injustice a un ressort, une poulie ou une corde, voire une manivelle qui lui soient spécifiques, on peut alors se demander si la volonté de correction ne sera pas pire que le mal ; mais si elle est d'une telle nature qu'elle fasse de vous l'agent de l'injustice vis-à-vis d'autrui alors je déclare qu'il faut enfreindre la loi. Que votre vie devienne un contre-frottement pour arrêter la machine. Ce à quoi je dois veiller, à tout le moins, c'est à ne pas me prêter au mal que je condamne.
[...]
Des lois injustes existent : nous satisferons-nous de leur obéir ou tâcherons-nous de les amender, de leur obéir jusqu'à ce que nous y ayons réussi, ou les transgresserons-nous sur-le-champ ? Les hommes, sous un gouvernement comme le nôtre, estiment en général qu'ils doivent attendre d'avoir persuadé la majorité de les altérer. Ils pensent que s'ils résistaient, le remède serait pire que le mal. […]
Une minorité est impuissante tant qu'elle se conforme à la majorité ; ce n'est du reste plus une minorité ; mais elle devient irrésistible quand elle la bloque de tout son poids. Si l'alternative était de mettre tous les justes en prison ou renoncer à la guerre et à l'esclavage, l'État ne balancerait pas dans son choix. Si un millier d'hommes refusaient de payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une mesure violente et sanguinaire, comme le fait de les payer et permettre à l'État de commettre la violence et de verser le sang innocent. Telle est, en fait, la définition d'une révolution paisible, si semblable chose est possible. Si percepteur, ou tout autre fonctionnaire, me demande : « Mais que voulez-vous que je fasse ? », ma réponse est : « Si vous voulez vraiment faire quelque chose, démissionnez. » Une fois que le sujet a refusé son allégeance et que le fonctionnaire a démissionné, la révolution est accomplie."
Cette
idée était déjà présente chez saint Augustin quand il déclarait qu’ « une loi
injuste n’avait rien d’une loi ». Pour
lui, bien qu’une loi injuste ait l’autorité extrinsèque que lui confère le
mandat gouvernemental, elle n’a aucune autorité intrinsèque puisqu’une loi n’a
qu’une raison d’être : celle de servir la justice. Toute loi qui altère son but
premier s’anéantit d’elle-même ; elle n’est pas une loi.
Quand
des autorités gouvernementales exercent le pouvoir de façon arbitraire et
injuste, elles sapent la crédibilité de leurs décisions, de leur respectabilité
et de leur autorité. Même si ces autorités sont investies du pouvoir civil, le mauvais
usage de ce pouvoir remet en cause sa légitimité. La violation du principe de
non-malfaisance et des droits naturels, les arguments fallacieux employés pour
justifier ces indignités ne relèvent pas des vexations inévitables dans tout
gouvernement : ce sont de graves injustices qui ne sauraient être tolérées.
A voir sur le sujet : The Great Debaters
A lire :
Henry David Thoreau, La désobéissance civile (1849)
Etienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire
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