Halte aux feux (2)



Le 8 septembre, Boniface et Schemla étaient sur sur France Info. Vous pouvez écouter l'émission ici

Au moment ou l'Amérique commémore les 5 ans du 11-Septembre, ce livre propose un aperçu de deux grandes thèses en présence. Résumons ces thèses à partir de deux axes : Le choc des civilisation et la critique d'Israël.

1° Le Proche-Orient est-il devenu l’épicentre d’un éventuel choc des civilisations qui menacerait la sécurité internationale ?

- Pour Pascal Boniface, l’actuelle politique des Etats-Unis et de son allié Israël, nourrit autant le terrorisme qu’elle le combat. On est précisément, au Proche-Orient, en Irak et ailleurs, en train de créer les conditions d’un choc des civilisations qu’on affirme refuser.

- Au contraire, pour Elisabeth Schemla, l'Occident, aux côtés d'Israël, est engagé dans une lutte contre le terrorisme islamiste, une lutte de la civilisation contre la barbarie. Elle rejoint ainsi la thèse de la 4e guerre mondiale, avancée par des auteurs comme André Glucksmann, Thierry Wolton et Jean-François Revel. Dans cette guerre, l'ennemi est moins le terrorisme que l'islam militant qui combat cette « civilisation libérale » que l’Amérique a sauvée lors des trois précédentes guerres mondiales (la guerre froide étant considérée comme la troisième).

2° Quand on juge Israël, le juge-t-on pour ce qu’il fait – en tant qu’un Etat comme un autre ? Ou pour ce qu’il est - l’Etat des Juifs ? Comment en décider et d’après quels critères ? Y a-t-il un risque de communautarisation, qui verrait se dresser, les uns contre les autres, Juifs et musulmans de France ? Y a-t-il un antijudaïsme de type nouveau, qui profiterait de la « réprobation d’Israël » pour réinvestir le vieil antisémitisme ?

- Pour Pascal Boniface, la vague de judéophobie, dénoncée par Pierre André Taguieff ou Alain Finkielkraut, est largement imaginaire ; et elle est en outre instrumentalisée par un lobby pro-israélien qui joue avec le feu du communautarisme. Depuis le 11 septembre 2001, ce sont les musulmans et les Arabes qui sont principalement pris pour cibles et soumis à des violences verbales et/ou physiques.

- Pour Elisabeth Schemla, la critique d’Israël se déploie au nom de l’anti-sionisme. Or, c’est une chose de combattre une politique d’annexion territoriale ou de séparation, mais c’en est une autre de dénoncer comme coupable l’essence même du pays qui la mène. Le sionisme étant un mouvement de libération nationale qui a en partie abouti, se déclarer antisioniste aujourd’hui revient en effet à se prononcer contre l’existence de l’État qui en est le fruit.
La critique d’Israël mêlée à l’anti-sionisme est un mélange propre à la rhétorique de l’antisémitisme arabo-musulman. Cette rhétorique se développe en France sous l’impulsion du Conseil français du culte musulman, un groupe qui veut « islamiser la France » et développer le communautarisme, ce que la République ne doit pas laisser faire.


Extrait de l'Epilogue du livre :
Nous savions, en faisant ensemble cet ouvrage, que nombre de nos amis nous le reprocheraient à l'un et à l'autre, que nous nous exposions à toutes sortes de critiques et de regrets, voire à l'accusation de trahison. Bref, nous allions exaspérer. Pourtant, décider de passer outre fut chose aisée, et rapide. L'écrire fut en revanche long et compliqué. Non seulement nos opinions divergent presque totalement, comme on l'a vu, mais nous n'avons ni les mêmes tempéraments, ni les mêmes méthodes de travail, ni les mêmes réflexes.

Bref, en tous points décidément, nous différons.

Écrire un livre, c'est passer de périodes d'euphorie en périodes d'abattement. Cela devient encore plus compliqué lorsque deux auteurs engagés les traversent à des rythmes différents, et en alternance. Le découragement nous a guettés successivement. Nous n'y avons jamais cédé, quoique parfois très près de jeter l'éponge, parce que chacun des deux partenaires a toujours su donner le signe d'encouragement au moment où l'autre flanchait, faire la concession nécessaire en temps utile. Paradoxalement, notre caractère trempé, à l'un et à l'autre, n'aura finalement pas été un obstacle à l'accomplissement de cet ouvrage, mais un stimulant, un facteur d'exigence. Nous voulions chacun faire une démonstration, et cet objectif l'a emporté surtout.

Au final, nous y sommes. Que Thierry Billard, notre directeur littéraire, soit remercié à la juste mesure de sa contribution, car sans lui, ce livre n'existerait pas. Il a accueilli notre projet avec enthousiasme, a tempéré nos ardeurs lorsqu'elles étaient manifestement trop contradictoires, donné les impulsions lorsqu'elles devenaient indispensables. Et il a su jouer un rôle inédit au Proche Orient : celui d'un casque bleu qui réussit sa mission.

Nous sommes donc surtout satisfaits d'être venus à bout de ce livre pour ce qu'il signifie. Aucun de nous deux, chemin faisant, n'entretenait l'illusion de convaincre l'autre. Nous savions d'emblée que nous ne modulerions même pas nos convictions. Mais nous en avons certainement conforté une, au bout de la route. Oui, le débat est possible et indispensable, même s'il n'est pas stricto sensu dialogue. Non, l'autre n'est pas forcément de mauvaise foi, ni intellectuellement malhonnête. Nous en ressortons avec la conviction qu'ayant mieux compris sur quoi repose l'analyse de l'autre, nous pourrons ensemble et chacun de son côté au moins l'expliquer, dans la liberté républicaine, à ceux qui voudraient comprendre nos divergences, loin des invectives et des omertas. Être, en quelque sorte, des passerelles qui pourraient modestement contribuer à redonner un cadre acceptable et normal aux débats sur ces sujets si essentiels pour notre avenir. À cela, nous nous sommes l'une et l'autre engagés. Sans naïveté, sans illusion excessive. Mais avec détermination. Si, de surcroît, les lecteurs de cet ouvrage ont le sentiment, en refermant ce livre, d'avoir en mains les éléments contradictoires et nécessaires pour une réflexion plus approfondie, nous aurons réalisé notre ambition.

Pascal Boniface et Élisabeth Schemla

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