Pascal Bruckner et André Comte-Sponville


Deux philosophes contemporains publient chacun un livre.

Pascal Bruckner : La tyrannie de la pénitence : essai sur le masochisme occidental
Editeur : Grasset (4 octobre 2006)
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Présentation de l'éditeur
« Le monde entier nous hait et nous le méritons bien : telle est la conviction d'une majorité d'Européens, du moins à l'Ouest. Depuis 1945, en effet, notre continent est habité par les tourments du repentir. Ressassant ses abominations passées, les guerres incessantes, les persécutions religieuses, l'esclavage, l'impérialisme, le fascisme, le communisme, il ne voit dans sa longue histoire qu'une continuité de tueries, de pillages qui ont abouti à deux conflits mondiaux, c'est-à-dire à un suicide enthousiaste. À ce sentiment de culpabilité, toute une élite intellectuelle et politique donne ses lettres de noblesse, appointée à l'entretien du remords comme jadis les gardiens du feu. Dans cette rumination morose, les nations européennes oublient qu'elles, et elles seules, ont fait l'effort de surmonter leur barbarie pour la penser et se mettre à distance d'elle, construisant un monde de paix et de prospérité. L'Europe a sans doute enfanté des monstres, elle a du même coup enfanté les théories qui permettent de détruire les monstres.
Curieusement nous vivons aujourd'hui une situation de repentir à sens unique : celui-ci n'est exigé que d'un seul camp, le nôtre, et jamais des autres cultures, des autres régimes qui se drapent dans leur pureté supposée pour mieux nous accuser. Mais l'Europe accepte trop volontiers le chantage à la faute ; si nous adorons nous flageller et nous couvrir la tête de cendres, n'est-ce pas que notre souhait secret est de sortir de l'Histoire, de nous abriter peinards, dans le cocon de la contrition, pour ne plus agir, échapper à nos respnsabilités ? La repentance n'est peut-être rien d'autre que le triomphe de l'esprit d'abdication. » -- Pascal Bruckner

Biographie de l'auteur
Romancier, essayiste, Pascal Bruckner est, entre autres, chez Grasset, l'auteur de La Tentation de l'Innocence (prix Médicis de l'essai en 1995), Les Voleurs de beauté (prix Renaudot en 1997), L'Euphorie perpétuelle (2000), Misère de la prospérité (prix du Meilleur livre d'économie en 2002), et L'Amour du prochain (2005).
Table des matières
Les colporteurs de la flétrissure
Les pathologies de la dette
La piscine de l'innocence retrouvée
Le fanatisme de la modestie
Le second Golgotha
Ecoute ma souffrance
Dépression au paradis : la France, symptôme et caricature de l'Europe
Le doute et la foi : la querelle Europe - Etats-Unis

André Comte-Sponville : L'esprit de l'athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu.
Editeur : Albin Michel (4 Oct 2006)

Peut-on se passer de religion ? Dieu existe-t-il ? Les athées sont-ils condamnés à vivre sans spiritualité ? Autant de questions décisives en plein «choc des civilisations» et «retour du religieux».

Philosophe humaniste, André Comte-Sponville est l'auteur de nombreux ouvrages qui, par leur clarté et leur pédagogie, mettent la philosophie à la portée de tous. Il se définit comme un athée fidèle, car il se reconnaît dans les valeurs gréco-judéo-chrétiennes, et pense que l'homme peut se passer de religion, la philosophie en étant l'un des moyens.

Sur le thème de la religion, il a récemment publié : Dieu existe-t-il encore ?, avec Ph. Capelle (Cerf, 2005). Il a notamment publié chez Albin Michel, L'Amour, la Solitude (2000), le Capitalisme est-il moral ? (2004)


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Citation :
"Avez-vous besoin de croire en Dieu pour penser que la sincérité vaut mieux que le mensonge, que la générosité vaut mieux que l'égoïsme, que le courage vaut mieux que la lâcheté, que la douceur et la compassion valent mieux que la violence et la cruauté, que l'amour vaut mieux que la haine ?" (André Comte-Sponville)
Ma réponse :

Non, nous n'avons pas besoin de Dieu pour cela, en effet. Mais la religion ne tient pas lieu de morale, elle est d'un autre ordre. Si Dieu existe, ce n'est pas pour nous faire la morale, la raison suffit à nous indiquer le chemin du bien. Mais peut-on penser l'existence elle-même sans une cause suprême, peut-on penser l'être sans un Etre absolu et infini ? Peut-on penser le monde sans la création ? Telle est la question qui conduit philosophiquement à Dieu. Comte-Sponville est matérialiste, c'est son droit. Mais on ne peut pas ignorer les limites théoriques du matérialisme et la crédibilité rationnelle de l'existence de Dieu. Cela Comte-Sponville l'évacue un peu trop facilement.

Extrait du livre :
Peut-on se passer de religion ?
Commençons par le plus facile. Dieu, par définition, nous dépasse. Les religions, non. Elles sont humaines - trop humaines, diront certains -, et comme telles accessibles à la connaissance et à la critique.
Dieu, s'il existe, est transcendant. Les religions font partie de l'histoire, de la société, du monde (elles sont immanentes).
Dieu est réputé parfait. Aucune religion ne saurait l'être.
L'existence de Dieu est douteuse (ce sera l'objet de notre deuxième chapitre). Celle des religions ne l'est pas. Les questions qui se posent, à propos de ces dernières, sont donc moins ontologiques que sociologiques ou existentielles : il ne s'agit pas de savoir si les religions existent (elles donnent parfois le sentiment, hélas, qu'elles n'existent que trop !), mais ce qu'elles sont, et si l'on peut s'en passer. C'est surtout cette dernière question qui m'importe. Mais on ne peut y répondre sans aborder, ne serait-ce que brièvement, la première.
La notion est tellement vaste, tellement hétérogène, qu'il est difficile d'en donner une définition tout à fait satisfaisante. Quoi de commun entre le chamanisme et le bouddhisme, entre l'animisme et le judaïsme, entre le taoïsme et l'islam, entre le confucianisme et le christianisme ? Peut-être a-t-on tort d'utiliser le même mot de «religion» dans tous ces cas ? Je ne suis pas loin de le penser. Plusieurs de ces croyances, notamment orientales, me semblent constituer un mélange de spiritualité, de morale et de philosophie, plutôt qu'une religion, au sens où nous prenons ordinairement le mot en Occident. Elles portent moins sur Dieu que sur l'homme ou sur la nature. Elles relèvent moins de la foi que de la méditation ; leurs pratiques sont moins des rites que des exercices ou des exigences ; leurs adeptes forment moins des Eglises que des écoles de vie ou de sagesse. C'est le cas spécialement du bouddhisme, du taoïsme ou du confucianisme, du moins dans leur forme pure ou purifiée, je veux dire indépendamment des superstitions qui, en tout pays, viennent s'ajouter au corps de la doctrine, jusqu'à la rendre parfois méconnaissable. On a parlé à leur propos de religions athées ou agnostiques. L'expression, pour paradoxale qu'elle semble à nos oreilles d'Occidentaux, n'est pas sans quelque pertinence. Bouddha, Lao-tseu ou Confucius ne sont pas des dieux, ni ne se réclament d'aucune divinité, d'aucune révélation, d'aucun Créateur personnel ou transcendant. Ce ne sont que des hommes libres, ou libérés : ce ne sont que des sages ou des maîtres spirituels.

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